mercredi 16 juillet 2025

145.De la puta madre 1/...

  Bon, il me reste une heure de journée du 16 juillet pour narrer ma trépidante vie pleine de rebondissements et de regards acérés sur un monde en pleine mutation qui n'en finit pas de mutationner car comme dit le dicton : "Reprenez du clafoutis."
  Je me suis garé au soleil puis trouvant ça nul, à l'ombre et c'était mieux, pour aller à la plage en étant raccord avec l'heure des marées. J'ai eu du mal à bouger ce matin si tu veux savoir, le cœur vide et à quoi bon, mais comme je m'étais promis de me baigner dans les relents de gazole et les miasmes des alentours tout comme le gros monsieur de hier que j'avais vu dans l'eau près de la jetée et que je m'étais dis, purée, ce type nage dans les miasmes, j'aimerais bien faire pareil, mais là je suis pas équipé alors demain je reviendrais. 
  Mais les lendemains sont parfois difficiles et il n'y a pas toujours le même allant d'un jour à l'autre, ça dépend ce que tu as fais la veille si tu as bu la poire à papi, et le programme change, c'est la raison pour laquelle j'ai toujours évité de faire des voyages organisés. Enfin si une fois, mais j'étais jeune, c'était l'Espagne et mon cœur était sans expérience.
  Dans le bus qui nous emmenait à l'expo de Séville, l'expo mondiale, je sais plus comment qu'on dit, universelle, en 1992, je te raconte cette histoire d'avant les Internets, y'avait la plus jolie fille du bus qui m'avait pris à la bonne en pensant que j'étais le mec cool vu que j'étais mignon, mais ça ne s'est pas passé tout à fait comme prévu. 
  Après un bout d'après-midi dans un parc à tourner et discuter littérature de tous les livres qu'apparemment elle n'en lisait pas beaucoup, la plus jolie fille du bus est allée faire le tour de la ville avec les sportifs qui avaient beaucoup plus de choses en commun avec elle qu'avec Tom Sawyer ou Robin des bois. 
  Les sportifs avaient réussi pendant le voyage à changer les noms des listes pour rester entre sportifs, et me refiler le gros con que personne ne voulait dont j'ai subi les ronflements pendant une semaine dans ma famille d'espagnols qui ont dû se dire les français, quand même, parce que cet andouille, un soir, s'est bourré la gueule (en fait les sportifs avaient trouvé marrant de le faire boire) et il a fallu que je le traîne jusque chez nous avec force ahanements et hurlements de sa part, dans une village de 200 âmes à côté de la grande ville, autant dire que sur les derniers jours du séjour, notre réputation fut faite. Non seulement ces petits cons ne tiennent pas l'alcool mais en plus ils font du bordel la nuit alors qu'on tente de dormir entre deux canicules. Et moi qui ne buvait pas encore, j'avais été accusé d'avoir picolé tout pareil. Et c'est après cette injustice sans nom que je fis ma première fugue. La plus jolie fille du bus avait tout vu mais n'avait rien dit pour ma défense et j'en avais été encore plus dégouté.
  Le lendemain, arrivés en bus à la 'epo de Séville, le grand grand lieu de tous les pays qui montrent tous un truc qu'ils font bien avec des bâtiments fait exprès pour le truc, je me suis un peu perdu en suivant, nez au vent, les chemins pas balisés comme je fais parfois encore aujourd'hui ça mène à tout.
  J'ai suivi un chat, et passé derrière un camion, observé des gros câbles et décidé de voir où ils menaient, plusieurs fausses ruelles entre des bâtiments de chantier qui m'ont fait déboucher dans une sorte d'arrière cour avec des grosses poubelles. Une porte était ouverte. Je suis entré pour aller voir et suis tombé dans des loges. Il y avait plein de costumes en tas ou bien rangés, des chapeaux, des plumes, des robes, des gilets dorés, des accessoires, épées, chandeliers, astrolabes, des malles entassées, ouvertes et fermées, des miroirs avec des ampoules autour, du maquillage, des pinceaux, des moustaches, des perruques, des bigoudis. 
  J'ai entendu du bruit, j'ai visé une grand malle, je suis inexplicablement monté dedans (j'étais un peu moins grand qu'aujourd'hui) et j'ai refermé le couvercle. Ils sont alors entrés.
  C'était pas le plan Cocoon, mais j'ai un peu flippé. Ça causait espagnol, je dirais même castillan, et ça parlait spectacle, je comprenais pas bien avec le couvercle, mais j'ai pigé qu'une représentation allait avoir lieu, et une fille a ouvert la malle, crié, et éclaté de rire. Tous se sont tournés, j'avais un truc en plume ridicule sur la tête et un bout de robe rose enfilé sur mon cou. J'ai souri. J'ai baragouiné que j'étais français que je visitais le parc et que j'adorais le théâtre. Ils m'ont demandé si j'avais déjà été sur scène et j'ai dit oui, ce qui était vrai, mais pas des gros trucs. Ils se sont tour regardés en souriant et m'ont sorti de la malle. La fille m'a emmené prêt d'un portant rempli de pourpoints colorés et en a choisi un, elle m'a demandé d'enlever mes habits. C'était assez facile, un short, un T-Shirt, une casquette, des baskets, une petite banane moche avec mes papiers, un peu de pesetas et des gris-gris marrants.
  Je me suis donc retrouvé en caleçon dans une endroit que je ne connaissais pas, avec des gens qui venaient de me rencontrer, trouvant tout naturel de me déguiser en page, ou un truc dans le genre. Mon caleçon étant trop grand, ça faisait des bosses, la fille m'a demandé de l'enlever pour pouvoir ajuster sur moi un collant beige. Elle m'a fait signe de ne pas bouger, a sorti un paravent de derrière une porte. En fouillant dans un tiroir elle a trouvé un slip, neuf (il sortait d'un emballage) et à ma taille. J'ai retiré mon caleçon, mis le slip, le collant, c'était beaucoup mieux. Une sonnerie métallique s'est faite entendre dans le couloir (ce que je supposais le couloir) et le petit groupe s'est un peu plus animé, accélérant les retouches de maquillages, de coiffures et d'assemblages de costumes. Quand la fille a décidé que j'étais paré (je devais ressembler à une sorte de Christophe Colomb jeune, mais pas trop typé ibère) elle m'a passé à un mec à barbe courte qui m'a maquillé vite fait, teint blanchi et deux traits sous les yeux, pommettes rouges, et puis on est sortis de la pièce en silence.
  Un long couloir, j'avais bien supputé, avec un sol en fer grillagé qui résonne clong clong, j'avais aussi troqué mes baskets contre des sortes de pompes super conforts en cuir, également à ma taille, elle avait l’œil la nana. On a marché pendant un temps qui dans mon souvenir semblait très long, et on est arrivé sur un plateau géant avec plein de fauteuils en face. Et à la taille du plafond et aux symboles peints partout, je crois des figures du tarot espagnol, j'ai compris que j'étais, justement, à l'intérieur du pavillon espagnol. Le gamin futé quand même à qui on ne la fait pas. Sur la scène, il y avait un décor de quai avec tonneaux et cordages, et sur la gauche par là où on était entrés, la proue taille réelle d'un galion, la Maria c'était écrit dessus. Un des comédiens a parlé à la régie en demandant de lancer la musique, et peu après, du public a commencé à affluer de part et d'autre du haut de la salle qui descendait jusqu'à la scène, sur les gradins en face de nous. Une salle de spectacle confort comme au cinéma. La fille m'a pris à part alors que le comédien principal, ou le narrateur, s'est mis à apostropher les gens et à leur souhaiter la bienvenue.
  Elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a fait signe que je ne devais pas parler, et là j'ai vu qu'elle était plus jeune que je ne pensai, presque mon âge. Au vu de son physique elle ressemblait beaucoup au comédien qui parlait maintenant plus lentement et commençait à emporter les spectateurs, désormais bien installés dans une histoire que j'allais découvrir avec eux... 
   

mardi 15 juillet 2025

144.Le vent dans l'Esso.

   Après je fais ma rabat-jouasse avec les feux d'artyfesses (mes oncles disaient toujours ça, mon paternel aussi, je ne sais pas quoi en penser, j'ai donc mis un y pour faire style) mais j'aime ça quand même les couleurs et les formes, sinon je serais pas peintre en bâtiment. 
  Il y a juste que le bruit ça tue des oiseaux, ou ça les fait fuir des nids et après qui c'est qui va promener le chien ? Ça leur fait peur aux chiens, d'ailleurs, (et les chiens d'ailleurs c'est flippant croyez-moi) et ça fout le feu à la pinède tant qu'on y est, et parfois à la robe de la première adjointe, on a encore dû évacuer Santa-Monica et le président a voulu serrer la main aux pompiers en leur expliquant que c'est la faute à pas de chance, avec plus de goudron on aurait évité que la nature s'en mêle. Jack a cru faire le marrant en ajoutant "et des plumes", il est en taule. Mais c'est pas parce qu'il est noir on nous a assuré. La caution est pas trop élevée, on va faire un loto s'ils le changent pas d'État avant jeudi. 
  Avec la technologie des drones marrants qu'on expérimente vachement dans le monde en ce moment, on pourrait créer des figures dignes du Roi et L'Oiseau, je crois qu'il faut mettre des majuscules aux deux personnages. Un peu comme la Bergère et le Ramoneur, voyez. Je m'éclipse. Simuler le bruit pour faire boum quand même à la fin, ce gros boum qui fait trembler les chaumières et nous rappelle que ça vient de Chine, comme le reste. Ou alors on dirait au micro : et maintenant, on va faire le boum de la fin, vous êtes prêêêêt ? (ouaaaais). 3, 2, 1... Si l"humanité gueulait boum à chaque fois qu'on l'emmerde, y'aurait même plus besoin des guerres.
  Aujourd'hui que je suis seul, j'ai fait le voyage en véhicule pour aller voir un poète et sa maison à la ville honnie, c'était bien mais c'était long, la route. Pas le courage de prendre le bus ou de faire du stop qui marche pas ici. J'avais jamais passé par cette route (c'est joli j'avais jamais passé, non ?).
  Je me répète, et chaque fois que je dis je me répète, je me répète, on est trop nombreux à rouler. Faudrait des cartes artiste premium (je sais pas si je me répète, j'ai pas tout relu, mais j'ai déjà pensé à l'idée quelque part) de l'entreprise Platon DTC. Quand l'artiste se promène, vous restez chez vous et ça pollue moins. Maman, y'a un artiste qui prend sa voiture, on fera les courses demain ! Les artistes au pouvoir, le bordel dans l'abreuvoir.
  Sur les côtés, une biche effarée qui sait plus comment rentrer dans les bois, y'avait des grillages, j'ai pas vu exactement, effrayée par le bruit en plein jour, n'ose pas aller sur la route voit bien que c'est chaud, j'espère qu'elle n'y est pas allée, je peux pas ralentir, je me dis inch'allah parce que si on s'arrête pour la guider elle risque de paniquer encore plus et de faire un soleil. 
  Derrière moi j'ai une grosse caisse blonde qui déborde en guimauve avec lunettes et moue qui moue et me colle parce que je vais pas assez vite à son goût et qu'elle peut pas (encore) doubler parce que  justement à côté y'en a qui vont assez vite et même plus, c'est rageant Jean-Gérard ! Respecter les distances de sécurité c'était pendant deux semaines après son permis, il y a quarante ans quand elle a eu sa première Rolex. Après elle a commencé a rouler plus vite pour arriver plus vite parce que ça va plus vite. Le permis à points c'est du vol, non mais !
  Plus loin y'a une bête écrasée au milieu sur la route à 80 kilomètres heures qu'on te dit que y'a des radars mais qu'on te double à 110 parce que y'a qu'un seul radar sur le long tronçon. En haut, des buses variables, des oiseaux de proies, des aigles ou des faucons qui tentaient de récupérer la dépouille en tournoyant au dessus, sans doute pour organiser une cérémonie entre bêtes. La buse pique et fonce au milieu de la route pour prendre le paquet, mais les gens roulent roulent, alors il prend pas et remonte aussi sec. J'en peux déjà plus.
  Quand aurons-nous le temps de faire autrement que vite, une charte où les animaux, écrasés ou pas seraient immédiatement pris en charge par les personnes pas forcément compétentes que nous sommes. On voit des bêtes, hop on s'arrête. Joli slogan. Et tout le monde est content et on se rencontre on fait des piqueniques et c'est pas grave on ira acheter une table quatre chaises pliantes blanches en plastique dur en promotion une autre fois. Reprenez du clafoutis (ah, y'avait longtemps).
  Un monde sympathique où la nature est vénérée et active en nous, où on ne sépare pas la bête de l'humain, où en gros, on commence par regarder, écouter, sentir ce qui nous relie là partout tout le temps, ce que l'on est vraiment, des petits riens dans le grand tout. La concurrence des fauves commencerait par un jeu de piste pour reconnaître les crottes. On se promènerait déguisés en tapir persan, avec des motifs et tout, et on ferait des tas de pommes de pins à enflammer ailleurs pour les feux de la Saint Renard. Un monde dessiné, intégral, intégré, intégrateur, détonant détonatour, en bus à deux vitesses à deux étages, le direct et le pas direct, et un troisième pour les enfants, et la violence se canaliserait dans les caresses.
  Oh, oui, personne ne serait à l'abri d'une pulsion morbide, d'une massue à pointes ou d'un dérangement meurtrier, mais on pourrait peut-être, entre deux visionnages de Kung-Fu Panda (les films les plus arts martiaux Queer animalistes que je connaisse) développer le concept que les cabanes améliorées d'observation dans les bois, c'est possible, c'est gratuit et y'a un flou dans la loi personne a dit qu'il était besoin de se doucher autant si j'ai parfum pin des landes dans mes cheveux crêpés.
  Et moi, petit kraken joufflu au milieu d'une réunion de cachalots anonymes, je dirais le respect que j'ai pour les milieux marins, et malgré l'éclat bleu des yeux des mosquitos, témoignerais, un peu honteux, de mon goût sans détour pour la tapette agile.

lundi 14 juillet 2025

143.Révolution dans mon salon.

  Le précédent message était un recyclage, j'avais tant pas tant pu publier ces derniers mois, occupé que j'étais à comprendre mon existence, que je me suis recyclé des sujets de combat de la dernière heure. Je l'ai déjà dit ici, je suis un guerrier sans panache, avec une crainte viscérale des coups dans la face, trop habitué au logique : un homme, une arme, une bavure. 
  Aussi je me rétracte au moindre fumigène, les feux d'artifices me plaisent seulement en lecture dans le Seigneur des Anneaux, et la foule me fait penser à un dragon aveugle éternuant sur un chargement de nitroglycérine. Alors, là vous me voyez, je fais le malin en dénonçant des trucs que je trouve pitoyables genre je suis abonné à Libération (mais plus pour longtemps, j'ai résilié) mais je serais pas sûr de le faire dans la vraie vie de pas l'Internet. On peut se surprendre à être courageux quand on est acculé, mais acculé qui sera bien acculé le dernier, comme dit le dicton.
  D'abord parce que je viens de perdre une dent du fond, soignée par un dentiste précautionneux qui m'avait écarté la mâchoire comme dans un film de Terry Gilliam, et y avait passé bien une heure avec son assistante à cimenter le tout comme si c'était une ruine, et il faut croire qu'elle n'a pas supporté, pas l'assistante, qui était quand même bien conservée pour son âge, mais la dent. Elle est tombée comme ça alors que je mangeais du melon d'Espagne. Je l'ai mise sous mon oreiller, le lendemain y'avait toujours la dent.
  C'est confus. Je me reprends.
  L'idée c'est de poser les idées sur le matelas comme on dépose une princesse qu'on aime toujours même quand elle pète, j'ai une hargne désolée pour le capitalisme triomphant mais je n'irais pas à Notre-Dame des Landes pour affronter les CRS et les tanks du petit banquier. Enfin, j'irais bien aujourd'hui parce que c'est fini mais hier moins. Je trouve pathétique l'attitude des élus qui pensent comme des voitures et qui n'ont que le courage des urnes de leur deuxième tour, mais que faire ? Mettre du fumier partout pour dire on veut plus de pesticides parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour produire plus de monoculture et faire plus de betteraves, plus de maïs plus de cancers, et là tu gagnes ? Le combat me semble déséquilibré, un peu comme moi.
  Quand tu expliques à un pégu (pardon mais j'ai quatre ans de campagne derrière moi, même si là je me la joue reposé du zizi dans une réserve de blindés) que le problème à ses problèmes de pégu, c'est pas les ronces ou les insectes mais le capitalisme qui l'oblige à faire plus pour gagner plus, ça ne l'empêchera pas de foutre des produits dégueus sur les deux, mais pas sur le capitalisme. Nous vivons dans un monde tant cynique pour arriver au sommet, qu'on se demande si le sommet ce n'est pas la base. Cette phrase est jolie mais ça étaye pas bien mon propos.
  Souvent je résume, il y a les ceux qui pensent à garder leurs postes, et les autres. Perso ça ne me dérange pas de faire l'amour l'après-midi j'ai rien prévu de ma journée, mais si tu vois arriver des monstroplantes dans le champ de blé, c'est que la fête devait être interdite et t'as pas entendu l'annonce ou l'hélicoptère, foutu souffleur de feuilles qui m'a pris mon ouïe parfaite comme on prend une baffe parce qu'on a emprunté un vélo pas attaché à un mec pas compréhensif. J'aurais dû continuer le Judo.
  Quatre ans de village et de personnes âgées m'ont fait comprendre qu'il faut faire propre pour être heureux. On enlève les mauvaises herbes (tout ce qui dépasse du bitume en gros) on passe le roto partout où c'est possible, la tondeuse c'est à six heures quand il va faire trop chaud, et bien à ras pour que personne ne dise qu'au village sans prétention j'ai mauvais réputation.
  Mon dégout de la violence et ma lâcheté face à l'ennemi viennent peut-être de ces après-midi d'été à voir mon père s'échiner à tondre et retondre et couper et brûler tout ça dans la grosse boite en fer qui ressemblait à un robot du Docteur Who, avec les flammes qui sortaient sur les côtés du chapeau. C'est difficile à expliquer quand t'as pas vécu.
  Aujourd'hui, dans le jardin abandonné où j'ai pris mes quartiers pour fuir les concerts de la cour au bar de mon bled, à la campagne, c'est pas toujours calme faut pas croire, je ne tonds pas beaucoup. Ça déborde, ça dépasse, ça pousse n'importe comment, ça tombe et je relève pas. J'essaie de prévenir un peu les ronces au sécateur, un peu, parce que ça pique, l'espace restreint n'offre pas un champ pour cacher des bêtes dessous. Je tente de replanter un truc ici ou là, mais je garde l'herbe aussi mal peignée que possible. Et j'entends autour de moi les tondeuses rugir d'attente et de dégout pour mon attitude de pleutre face à l'évidence d'un brin à ras, les coupes-coupes en plastique se lèvent derrière les murets, les souffleurs de feuilles, encore eux, en plein cagnard bagnard s'assemblent derrière le portail et rugissent en attendant que j'appuie sur la télécommande, les sécateurs pleuvent, les voisins grondent, je vais aller chercher une caisse de nitro si je ne veux pas me faire mordre.
  J'en ai vu un, il y a une semaine, à trois heures de l'aprèm PM, 30 degrés à peine au soleil, bord d'avenue, avec tondeuse à main bien ancrée dans ses hanches, tenter d'égaliser l'herbe morte devant chez lui, avec la poussière jaune qui l'accompagne et le sourire du satisfait qui fait une chose essentielle dont le sens doit avoir pour lui un sens qui fait sens. Plus tôt c'était taillage des pauvres buissons séparateurs cycles/caisses, en face, par les amazones de la mairie, qui font des carrés gagnants pour pas que ça dépasse, avec les toujours souffleurs pour envoyer les branchettes sur le côté, c'est plus long qu'avec un balai mais ça en jette un max et ça fait du bruit pour qui veut se plaindre, ben oui mais on travaille madame.
  Vous me direz, quel rapport entre la crainte de prendre des coups et la littérature métaphorique de dénonciations convenues si tu as un peu de pensée arborescente ? Et bien je ne sais pas. J'ai peur de beaucoup trop de choses pour être cohérent. Trois jours que je ne suis pas sorti, quand je vois des gens bouger derrière les palissades, je rampe comme un lézard mort retrouvé inexplicablement noyé dans le petit pot en plastique que j'avais rempli pour les oiseaux. Ça m'a fait un chagrin immense. Mourir noyé quand on a soif, c'est con quand même. 

dimanche 13 juillet 2025

142.Un petit pois dans une catapulte.

  Bien sûr, je m'étais dit que j'aurais pu retrouver l'équilibre entre les numéros du blog et ceux de la vidéo de la semaine, communiquer dans l'ordre, obtenir la magique balance entre les arts précieux de mon expression personnelle dont j'ignore si elle trouvera son public dans la durée de mon talent imparti pour un délai qui court de là à là, mais il eut fallu que je m’attelasse à l'écriture de ces bulles d'air, et ces derniers mois je fus happé par mes rougeurs rugueuses d'arrières genoux dont j'ai tardé à faire disparaître les séquelles. Ce que c'est qu'être vivant.
  Maintenant que mon messenger remarche pour des raisons techniques que je n'arrive pas à élucider sur le site réseau social de la mort qui tue où les milliardaires perdent de l'argent à cause d'un gros type orange imprévisible qui gesticule et dont on devrait franchement ignorer les one-man-show, je suis de nouveau en mesure de faire coucou aux gens à qui j'écris pour leur demander s'ils ont bien reçu mon courrier, bien que je ne le fasse pas, par crainte de ne pas être répondu. Ce que c'est qu'être une fille fragile.
  Je n'ai pas encore eu de non livré à cette adresse dans ma boite de la rue Émile Zola de Dordogne, où je ne sais plus trop si je vais revenir beaucoup. 46 personnes à ce jour. Je ferais peut-être mieux après quand j'aurais le hangar à tabac. J'ai tant d'amis lointains depuis que je ne sors plus. 
  Je me suis intenté/inventé/éventé des fans sans leur demander leur avis (À ce propos je devrais renourrir mon Tumblr, encore un truc que j'ai laissé de côté). Peut-être préfèreraient-ils que ce soit moi qui leur envoye des timbres réponses, un nouveau concept : si vous renvoyez ce bon d'abonnement en trois exemplaires, votre vie va également changer en trois exemplaires. 
  Détriplement de la personne alité. Se coucher sur papier pour survivre au razorback, le poil qui le lendemain que tu l'as coupé, toujours revient.
  Se répliquer n'arrange pas tout si j'en crois les mésaventures du pauvre Mickey 17, un bon coréen que je conseille même s'il n'est plus dans les salles de Province, le capitalisme poussé à l'extrême qu'on me dit, parce qu'on peut faire pire qu'aujourd'hui ? Faudrait m'expliquer. Ou plutôt faudrait expliquer à ceux qui sont les perdants de la roue du loto de l'aide américaine, soft power DTC (c'est Dans Ton Cul mais je suis poli alors je mets que les majuscules). 
  On arrête les frais pour aider les gens de loin, ça sert à rien d'aider les pauvres et les femmes à penser comment vivre (un petit peu) mieux en lisant se soignant apprenant des bases pour s'en sortir, programmes de soutiens solaires, ils achètent pas assez de coca et c'est pas des clients de mon hôtel de luxe. Si Dieu bless l'Amérique, ça fait longtemps que le Grand Esprit se fout de sa gueule. Retour de karma des années maudites de la colonisation sans faille des crapules de l'ouest qui croyaient durs comme fer à un mec en croix. Danse avec les clous.
  L'humanité est un grand remplacement permanent, ceux qui ont les subv' sont les meilleurs, toujours. Du Portugal conquérant à l'Espagne grandiose en perruque en passant par la Louisiane en bicorne, ils croient en eux, dur, ils ont des lamas aux poils courts avec des selles de vache dessus, ce sont des centaures couillus plein de vin et de souffre, avec des fusils sans fleur au bout, et ces cons d'indiens n'ont pas de barbe, j'y reviens, il paraitrait que ce sont des personnes qui se mangent entre eux pour de vrai, c'est mal, nous on symbolise, c'est mieux. On est ci-vi-lisé.
  Ailleurs on te dit que l'autoroute ou la déviation à millions, c'est débile, mais tu insistes si tu diriges la région, on a tant investi tu comprends, ce serait dommage de laisser tomber, ça crée des emplois tu comprends, rien que pour ceux qui construisent, déjà. C'est des copains âgés qui voulaient le tracé il y a vingt ans de ça un soir de beuverie au relais du château. De la blague avinée au bulldozer ingrat, c'est toujours des vieux mourants qui veulent continuer le travail pour que les jeunes respirent pas bien, distribution gratuite de pesticides sur tartines de miel au goûter du  Sénat, on peut ? (c'est de l"humour, ne faîtes pas ça chez vous, les artères bouchées feront le travail avant le poison).
  Important le bassin de l'emploi, ça permet de générer du salaire et des pelleteuses, des impôts, des péages des ronds-points avec des noms chanmés, "Giratoire des croutons qui décident", il faut que ça avance. 
  Les logements sociaux, bon, dans le Sud, et un peu partout mais surtout dans le Sud, on s'en branle, ça génère pas assez de revenus, les pauvres mal éduqués n'ont qu'à traverser la rue à la nage. Par contre un grand axe routier, ça permet d'aller plus vite au boulot, bon, c'est cher le péage mais si t'es pas content tu prendras l'autre route qu'on a pas retapé et pis c'est tout. 
  Les gens qui vivaient sur place avant la grosse ligne, on les a viré, les ceux qui défendaient la zone, on les a fait tomber des arbres, puis on a détruit les jolies maisons et relogés les gens dans des immeubles, on est passé au milieu des fleurs qui gênaient avec le goudron et le sable. Pour passer en face avec un arrosoir c'est moins aisé. Le propriétaire du château à côté, on lui a mis les deux fois quatre voies pas loin, c'est quelqu'un qu'on aime pas, machin a dit à truc que ça lui ferait les pieds, rien à péter du monument historique, le progrès Robert, comme dans les années 70, merde. La justice a dit, mais un peu tard comme dans la fable, que c'est pas utile votre projet où vous aviez pas encore les autorisations, là, vous arrêtez le chantier. Oh, mais on a déjà viré tout le monde et tout détruit, c'est con de s'arrêter maintenant, on avait même prévu une aire avec la radio à fond dans les toilettes à camions ! Vite manifs en cocardes ! Libre échange bordel ! Du béton du béton ! Les magistrats c'est des faibles, on s'en branle on vous dit. Ma trace dans l'histoire de l'humanité dans ton slip. On revient toujours aux pneus. Les renards observent de loin le truc. Pour visiter l'ancienne prairie au bout il faudra un peu de perte. C'est joli un renard qui vole, avec une cape et une mitraillette dans un ascenseur c'est mieux.
  La violence démesurée du capitalisme, qui n'est pas si vieux que ça et se transforme déjà en un truc hybride SUV sur parking payant, me fait penser à un socialiste qui croit qu'on va encore voter pour lui aux présidentielles. C'est en train de mourir et ça veut tout emporter avec lui dans le trou noir rien que pour ne pas se remettre en question dans la destruction de tout ce qui l'entoure.
  On est peut-être passés à un monde gratuit sans vraiment s'en rendre compte, quelques robots gestionnaires nous font encore croire qu'on a besoin de payer des programmes, et pourtant les mandarines même pas abîmées sont gratuites à la sortie du LIDL.
  Je vais bien, je dors beaucoup, je découpe ma vie en morceaux pour tenter de voir de quoi demain sera cuit. Depuis ma villégiature de faux riche en attente de l'héritage, je prends des moments pour aller promener papi qui ne sait même plus combien il a fait sur son compte. Le banquier garde un bon souvenir. C'est l'essentiel.