lundi 14 juillet 2025

143.Révolution dans mon salon.

  Le précédent message était un recyclage, j'avais tant pas tant pu publier ces derniers mois, occupé que j'étais à comprendre mon existence, que je me suis recyclé des sujets de combat de la dernière heure. Je l'ai déjà dit ici, je suis un guerrier sans panache, avec une crainte viscérale des coups dans la face, trop habitué au logique : un homme, une arme, une bavure. 
  Aussi je me rétracte au moindre fumigène, les feux d'artifices me plaisent seulement en lecture dans le Seigneur des Anneaux, et la foule me fait penser à un dragon aveugle éternuant sur un chargement de nitroglycérine. Alors, là vous me voyez, je fais le malin en dénonçant des trucs que je trouve pitoyables genre je suis abonné à Libération (mais plus pour longtemps, j'ai résilié) mais je serais pas sûr de le faire dans la vraie vie de pas l'Internet. On peut se surprendre à être courageux quand on est acculé, mais acculé qui sera bien acculé le dernier, comme dit le dicton.
  D'abord parce que je viens de perdre une dent du fond, soignée par un dentiste précautionneux qui m'avait écarté la mâchoire comme dans un film de Terry Gilliam, et y avait passé bien une heure avec son assistante à cimenter le tout comme si c'était une ruine, et il faut croire qu'elle n'a pas supporté, pas l'assistante, qui était quand même bien conservée pour son âge, mais la dent. Elle est tombée comme ça alors que je mangeais du melon d'Espagne. Je l'ai mise sous mon oreiller, le lendemain y'avait toujours la dent.
  C'est confus. Je me reprends.
  L'idée c'est de poser les idées sur le matelas comme on dépose une princesse qu'on aime toujours même quand elle pète, j'ai une hargne désolée pour le capitalisme triomphant mais je n'irais pas à Notre-Dame des Landes pour affronter les CRS et les tanks du petit banquier. Enfin, j'irais bien aujourd'hui parce que c'est fini mais hier moins. Je trouve pathétique l'attitude des élus qui pensent comme des voitures et qui n'ont que le courage des urnes de leur deuxième tour, mais que faire ? Mettre du fumier partout pour dire on veut plus de pesticides parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour produire plus de monoculture et faire plus de betteraves, plus de maïs plus de cancers, et là tu gagnes ? Le combat me semble déséquilibré, un peu comme moi.
  Quand tu expliques à un pégu (pardon mais j'ai quatre ans de campagne derrière moi, même si là je me la joue reposé du zizi dans une réserve de blindés) que le problème à ses problèmes de pégu, c'est pas les ronces ou les insectes mais le capitalisme qui l'oblige à faire plus pour gagner plus, ça ne l'empêchera pas de foutre des produits dégueus sur les deux, mais pas sur le capitalisme. Nous vivons dans un monde tant cynique pour arriver au sommet, qu'on se demande si le sommet ce n'est pas la base. Cette phrase est jolie mais ça étaye pas bien mon propos.
  Souvent je résume, il y a les ceux qui pensent à garder leurs postes, et les autres. Perso ça ne me dérange pas de faire l'amour l'après-midi j'ai rien prévu de ma journée, mais si tu vois arriver des monstroplantes dans le champ de blé, c'est que la fête devait être interdite et t'as pas entendu l'annonce ou l'hélicoptère, foutu souffleur de feuilles qui m'a pris mon ouïe parfaite comme on prend une baffe parce qu'on a emprunté un vélo pas attaché à un mec pas compréhensif. J'aurais dû continuer le Judo.
  Quatre ans de village et de personnes âgées m'ont fait comprendre qu'il faut faire propre pour être heureux. On enlève les mauvaises herbes (tout ce qui dépasse du bitume en gros) on passe le roto partout où c'est possible, la tondeuse c'est à six heures quand il va faire trop chaud, et bien à ras pour que personne ne dise qu'au village sans prétention j'ai mauvais réputation.
  Mon dégout de la violence et ma lâcheté face à l'ennemi viennent peut-être de ces après-midi d'été à voir mon père s'échiner à tondre et retondre et couper et brûler tout ça dans la grosse boite en fer qui ressemblait à un robot du Docteur Who, avec les flammes qui sortaient sur les côtés du chapeau. C'est difficile à expliquer quand t'as pas vécu.
  Aujourd'hui, dans le jardin abandonné où j'ai pris mes quartiers pour fuir les concerts de la cour au bar de mon bled, à la campagne, c'est pas toujours calme faut pas croire, je ne tonds pas beaucoup. Ça déborde, ça dépasse, ça pousse n'importe comment, ça tombe et je relève pas. J'essaie de prévenir un peu les ronces au sécateur, un peu, parce que ça pique, l'espace restreint n'offre pas un champ pour cacher des bêtes dessous. Je tente de replanter un truc ici ou là, mais je garde l'herbe aussi mal peignée que possible. Et j'entends autour de moi les tondeuses rugir d'attente et de dégout pour mon attitude de pleutre face à l'évidence d'un brin à ras, les coupes-coupes en plastique se lèvent derrière les murets, les souffleurs de feuilles, encore eux, en plein cagnard bagnard s'assemblent derrière le portail et rugissent en attendant que j'appuie sur la télécommande, les sécateurs pleuvent, les voisins grondent, je vais aller chercher une caisse de nitro si je ne veux pas me faire mordre.
  J'en ai vu un, il y a une semaine, à trois heures de l'aprèm PM, 30 degrés à peine au soleil, bord d'avenue, avec tondeuse à main bien ancrée dans ses hanches, tenter d'égaliser l'herbe morte devant chez lui, avec la poussière jaune qui l'accompagne et le sourire du satisfait qui fait une chose essentielle dont le sens doit avoir pour lui un sens qui fait sens. Plus tôt c'était taillage des pauvres buissons séparateurs cycles/caisses, en face, par les amazones de la mairie, qui font des carrés gagnants pour pas que ça dépasse, avec les toujours souffleurs pour envoyer les branchettes sur le côté, c'est plus long qu'avec un balai mais ça en jette un max et ça fait du bruit pour qui veut se plaindre, ben oui mais on travaille madame.
  Vous me direz, quel rapport entre la crainte de prendre des coups et la littérature métaphorique de dénonciations convenues si tu as un peu de pensée arborescente ? Et bien je ne sais pas. J'ai peur de beaucoup trop de choses pour être cohérent. Trois jours que je ne suis pas sorti, quand je vois des gens bouger derrière les palissades, je rampe comme un lézard mort retrouvé inexplicablement noyé dans le petit pot en plastique que j'avais rempli pour les oiseaux. Ça m'a fait un chagrin immense. Mourir noyé quand on a soif, c'est con quand même. 

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