mardi 28 mai 2024

120.Jonas et Pinocchio sont dans un bateau.

     L'invention du carnet de correspondance était, peut-être au départ, un pari politique d'éducation, proposant aux aînés de la famille de jeter un regard sage et sans jugement sur l'état de progression des notes du plus petit que soi. Notes qui, au passage, ne sont que des jugements de valeur arbitraires liées à un contexte sociétal qui ne prend pas toujours en compte l'aptitude du gosse à jeter comme un as des boules de papiers dans la poubelle à côté du bureau quand le prof est face au tableau et qu'il s'en rend même pas compte. Cette supposition pédagogique mise à mal au fil des siècles par les vendeurs de martinets déguisés en Napoléon avec une couronne de Charlemagne et un bâton du père Fouettard, aurait peut-être donné des pistes sur la bonne attitude à suivre aux parents de Poucet, qui, dans la véritable histoire, ne supportaient plus d'être la risée de l'école voisine qui prenait leur (tout) petit fils pour un cancre juste bon à filer des quignons aux autruches, assez adroitement pour se lancer dans le cirque, alors qu'il avait seulement des notes à sa taille et c'est facile de juger. 
  Les enseignants le voyaient à peine dépasser de son bureau et il est parfois facile de faire l'amalgame entre un bonnet rouge, même à pompons, et un gilet jaune. Aussi, comme à la cantine on ne lui donnait qu'une demi portion en guise de statut, on préférait lui poser des demi-notes dans les matières sensibles et l'engrenage social de la pente savonneuse avec des clous en bas fit le reste.
  Et là vous me voyez venir, je vais parler du Demi-Cachalot et expliquer pourquoi je me suis contenté d'une moitié de baleine alors que j'aurais pu me taper tout le poisson entier et inviter le quartier à festoyer dans la carcasse, mais si Jonas avait eu des lunettes, me direz-vous justement, gens malin que vous êtes, il aurait bien vu que son séjour s'était déroulé dans un sous-marin russe, car sinon, comment expliquer son intérêt soudain après sa remontée, pour les gros mollets du Bolchoï, les œufs de poiscaille hors de prix servis dans de la glace pilée et son léger penchant pour la boisson fermentée multicéréales/pomme de terre/alcool désinfectant les soirs de pleine lune autour des feux traditionnels de la Saint Jonas, où il dansait la balaguère même si c'est la balayère, mais on pourrait contracter et dire la balayette, avec ses amis portugais qui, je vous le donne en mille, faisait rôtir des sardines avec des scouts américains qui n'avaient pas froid aux yeux. Un feu de camp attire le scout, c'est bien connu.
  Ils le perdirent plusieurs fois, sans succès, dans les bois (qui ça ? De quoi il cause ? Ah, Poucet, oui bien sûr, faut suivre quand même) sans ses frères qui eux étaient déjà à l'université, jusqu'à ce qu'il égorge un ogre ivre mort et lui choure ses actions #mygirlsarerich cotées en bourse et pas décotées depuis. La poussée du marché le fit plus grand que tous et il en garda une rancune vengeresse et revancharde qui le fit devenir ogre à son tour, métaphoriquement parlant, pour au final truster le pays des contes et créer un parc de loisirs et de détente honni par les écoterroristes du vallon voisin, qui faisaient péter des bouses dans les ronds de sorcières en signe de protestation lorsque des campings-cars allemands passaient en trombe avec les pluies de novembre sur leur territoire notredamedeslandesque que personne a ce jour, pas même Gargamel, a su trouver sur googlemaps, et tout ça grâce au brouilleur de satellite oùqu'elleestlabaleine™ que Jonas, justement, avait ramené de ses voyages dans une mallette électronique qui coûte cher à l'ouverture mais rassure à la sortie. 
  Il est aisé de chercher à revencher son existence en blâmant un système inégal qui profite surtout aux profiteurs ou aux gens qui comprennent plus vite comment ça fonctionne et n'ont pas peur d'en huiler les rouages dans le sens du poil. Car qui place son argent sur une âne indécis, aura pour seul retour un sac d'impérities. C'est écrit dans les pages roses du dictionnaire Larousse, qui n'a rien à voir avec le grosse pionne de mon enfance, comme vous l'aurez noté dans le message blogue numéro précédent.
  Et Pinocchio dans tout ça ? Je ne sais pas trop, ne me regardez pas comme ça, je suis en plein printemps, ça bourgeonne sur mon nez, j'ai plusieurs choses en cours et on est déjà le 28. Comme quoi c'est important de compter ses repères, les dates sont le ferment de nos repos sincères, elles aident à rythmer les saisons, qui ne sont plus ce qu'elles étaient, bien sûr.
  Rôtir des sardines, quand même.
 
 

vendredi 24 mai 2024

119.Matutinal Martial.

  Je suis impatient de vivre. Je me suis fourvoyé dans le tunnel, j'ai entendu des chiens et je suis allé voir, me retrouvant face à face avec un bataillon décimé tout vert que j'aurais pu sauver si les ordres n'avaient pas été donné de les envoyer à la boucherie chercher trois biftecks pour midi qu'on mangera avec des haricots verts en boite, et pour entrée des betteraves sous plastique et un quart de villageoise pour papa.
  Mes souvenirs sont changeants, influencés par le vidéo club, je voudrais les organiser avec plus de rires dedans dans la boite à coucou. Je m'amuse à les retourner sept fois, à les rendre illisibles en détournant le flux vers des digressions alambiquées avec un chapeau de cuir à larges bords comme sur la couverture du livre de Cendrars que je n'ai jamais lu.
  Mes lancinantes questions sont toujours pas les mêmes, est-ce que ça vaut une psychanalyse ? Pourquoi me suis-je autant attaché à mes bien terrestres et à ma collection d'images ? Pourquoi ai-je été happé et retenu avec une telle force dans mes taudis au lieu de fuir vers d'autres horizons lointains avec des ariégeoises inspirées ?
  Apporter ma pierre au moulin, réparer la roue à aubes parce que c'est joli, chasser l'indien des plaines et du cimetière ou de la grotte, devenir ours ou goéland, maigrir sous le poids des responsabilités qu'on ne comprend pas et qui empêchent de vivre simplement les amours impossibles, péricliter sans faille en hollandais volé, perdurer dans les pages d'un recueil absolu où toutes tes vies consignées lépidoptérisent tes passagères sensations de vide/plein assis sur le zafu.
  Maman, papa, beaux parents, familiers, tous dingues ? Et moi donc ! Prisonniers volontaires de nos entourages, de nos choix de crédits pour un véhicule diesel avec porte coulissante et troupeau de zèbres dans le moteur, de nos éducation pleine d'interdits qui empêchent de manger sa voisine en ragout bien qu'elle soit si apétissante, injonctions à faire faire faire, plutôt qu'à s'amuser à vivre, voyages subis pour vendre des bananes, alors que tout ce qu'on souhaite, c'est une salle de sport privée et des bras qui t'enveloppent.
  Ah que ce serait bien si les humains étaient un peu moins mabouls, comme le merveilleux magasin de fringues cheap en vrac à la sortie de Libourne un peu après chez Corbal, le coach pédagogue amical de toujours dans la vidéo hors-série Arte Res des Nuits sont courtes, entre la vidéo 80 et la 81, quatre ans déjà, quand je venais chez lui pour regarder ses bols de peintures sur la table en plastique du jardin, remplis d'eau de pluie, reflétant le ciel chargé de promesses futures. 
  Je ne savais pas encore tout le tortueux chemin que j'allais me faire vivre pour arriver à ce matin de mai 24 avec la chienne qui me réveille à 6h30 pour aller faire sa crotte sur l'herbe fraîchement tondue ça pousse ça pousse.
  Pourquoi diable les jeunes ne votent-ils plus pour les vertueux ? Pourquoi Albert Dupontel non plus ? Pourquoi laisser encore les vieux décider à notre place du Brexit qui vient et un avenir pathétique défoncé par les lobbys du choux-fleur, alors que partout en cherchant un peu je vois des initiatives intelligentes, rebelles, inspirantes et poilues en jupes qui me sussurent malgré mon encroutage de comté trop affiné, qu'il sera possible de recruter des fous et des bizarres pour mon projet secret de base nautique à 500 places pour jouer des pièces contemporaines.
  Dois-je d'abord m'autoriser le vide, un quotidien souple où je sache donner la priorité aux miquets, à la parole drôle, à l'absence de colère face à l'absurdité de nos choix animaux qui mordent sans y penser et regrettent d'avoir cassé les jouets du voisin souvent trop tard ? Que puis-je garder sur l'île en feu à part mes livres, moi qui n'ai aucune nostalgie des jours passés qui ne reviendront plus et à jamais dans l'espace d'un monde ancien voué à l'oubli nécessaire des dinosaures squatteurs d'un futur parking de banque ?
  Le regard de mon vieux paumé dans son Epadh, son sourire désarmé et désarmant quand je l'ai connu si enclume à me considérer comme un pas bien parce que mauvais marchand, sachant qu'il désirait pour moi le mieux, mais de loin, sans trop impliquer son compte en banque... Les moments d'arrêts dans les rayons de l'Inter d'un bus d'anglais chevrotants, lâchés là pour faire des souvenirs, l'escargot sauvé d'un piétinement certain avant le dernier pipi du soir, l'araignée protégée de la gueule du toutou qui a le temps de se sauver sous les bûches du balcon, la poulette chantante recouverte de plantes enroulées en nid, piquées sur le tas des tondeurs forcenés, reposant sur l'herbe humide de la rosée brumeuse au petit matin... Du repos et des phrases simples qui ne poussent pas à s'engueuler pour rien, une absence d'obstacles dans le programme à suivre qui fluctue au gré du soleil, des vacances studieuses dans la cabane à thé et des croquettes pour le gros chat blanc qui ne veut pas que je termine ce post matinal.
  Je ne remercie pas toujours ceux qui me firent naitre dans leurs problèmes non réglés de réussite naturelle d'une époque combative, pourtant j'envisage leur gloire héritante à travers moi, car de leurs failles je reste à jamais redevable sans crédit, dans un marché commun gagnant-gagnant, deal et tente où enfin je saisis qu'il est bon d'être là à tapoter le noir pour harnacher son cap. Le contraire n'étant pas utile depuis la décolonisation, heureusement.

mardi 21 mai 2024

118.Instatannée.

  J'ai un mal fou avec les réseaux, mais je tente de me rester dedans quand même. Pour pas se faire coiffer au poteau par les papis du ouèbe qui avaient quarante ans quand l'Internet il commençait et qui aujourd'hui ont le double et sont toujours à la pointe parce qu'ils ont débuté dans des ateliers informatiques où on apprenait le DOS, langage aussi charmant que l'elfique mais avec les hobbits en moins.
  Je tente, donc, de garder le rythme de publication quelque part, avec des fois plutôt des vidéos de la semaine, et des fois je parle de mon enfance meurtrie dans le pensionnat de la mort au milieu des bouseux avec la gardienne/pionne de ferme rousse aux jambes comme des poteaux électriques (elle portait toujours des jupes droites assez courtes) que Roger, le mec qui avait redoublé cinq fois et qui fumait dans les toilettes, allait voir le soir quand on faisait le mur, ce qui nous permettait de rentrer à point d'heure après s'être réunis dans une grange rustique au milieu des vaches, éclairés à la lampe à huile de phoque pour lire des poètes disparus de la campagne, genre Jo Dassin, Michel Sardou ou Francis Lalanne. Pour Jo Dassin je suis pas sûr
  J'ai préféré décliner une année de mieux dans ce lieu de perdition et j'ai eu mon brevet des collèges du premier coup, comme mon permis de conduire mais vingt cinq ans plus tard environ, ce qui ne m'a pas permis (hum) de me crasher contre un platane planté là pour faire joli en sortant de boite de nuit jeune et bourré c'est triste, et j'ai envie de dire heureusement, j'étais un inadapté du pare-brise, à la vue en colère hypermétrope de la gauche, haro sur les lapins qui traversent sans mettre leur cligno ! On est pas très sérieux quand on a dix-sept dents... Quelquefois je me demande si Albert Camus aurait pas mieux fait ce matin là de se casser une jambe, même si je préfère Saint Exupéry qui a quitté les radars en vol pour aller rêver sans entraves dans un ailleurs exonéré de frais d'obsèques inutiles, ce qui dénote une élégance anarchiste assez rare pour un chevaucheur de comètes amoureux des déserts sucrés et des renards roses.
  L'envie de trouver un rythme dans l'existence, de finaliser un roman français qui claque avec des phrases sobres, de danser online dans un vidéo clip avec des supers décors et finaliser un album de BD et de chansons ou les deux en même temps, mélangés dans une symbiose tutélaire qui engendrera, au choix, des maux de tête pour qui n'a pas beaucoup de vocabulaire, ou une admiration délicate et feutrée dans un vernissage simple avec des bulles et un aspirateur à confettis.
  J'ai du possible, je suis doué, je sais plus qui m'a dit ça dans une administration quelconque et c'est un problème les gens comme vous parce qu'il ne savent pas se fixer sur quelque chose, on va voir ce qu'on peut faire avec ce programme d'insertion où l'on détourne de l'argent de l'Europe pour financer les poules du patron, c'est un grand céréalier, je préfère que ça reste entre nous vous pouvez vous rhabiller.
  Je ne fais que répéter ce qu'on m'a dit, ne pensez pas une micro-seconde que je puisse avoir la démesure de prendre en main ma vie pour exposer partout des arbres format 140x130cm avec des traits blancs et puis des traits noirs qui font une mega souche ondulante comme si la toile vibrait de plaisir sous le regard du spectateur qui se demande si chaque peinture est une autre ou si c'est la même mais ça ne peut pas être la même car c'en est une autre, l'artiste n'est pas une machine, j'ai vraiment trop de choses à faire dans une journée. 
  L'idée maîtresse reste de possiblement égayer le quotidien d'une ou deux personnes de la bonne société, genre Jonathan et Jennifer les justiciers milliardaires, on a les références qu'on peut je suis vieux (mais pas assez pour maîtriser le DOS) et j'avais la cinq de Berlusconi sur ma télé miniature dans ma chambre avec des posters de Mylène Farmer et Vanessa Paradis, mais il faut pas en mettre trop Jean-Martial parce que les punaises ça abime le placo, même si en fait ça passait sur la une.
  Je n'ai jamais eu de télé miniature dans ma chambre, pour Mylène Farmer et Vanessa Paradis par contre, c'est possible, j'ai une photo témoignage quelque part avec un peu de moustache au saut du lit superposé avec encore des peluches à 14 ans. Je collectionnais aussi les grosses poitrines découpées dans des magazines je sais plus où je me fournissais, classées par formes, par couleurs, par tailles, dans un classeur secret planqué derrière des tas de trucs, mais un jour ma belle-mère m'a engueulé parce qu'il n'y avait plus de protèges feuilles à classeur (on en consommait beaucoup à l'époque) et elle a fait une réflexion sur mes poitrines, c'était évasif mais clair, elle avait fouillé dans mes affaires. De ce jour j'aurais pu mettre un verrou à ma chambre mais je n'avais pas encore vu (ni lu) Orange Mécanique, et mon père avait déjà pour plan de m'éloigner de la ville en se trouvant une maison encore plus loin de mes amis que je ne voyais déjà plus que le week-end, il n'aurait pas apprécié que j'ai un espace à moi vu qu'il me faisait bien comprendre que j'étais chez lui et que tout ça était provisoire on est déjà bien gentils de te garder tu sais pas ce que tu nous coûtes et sans moi et mes largesses, l'école ne te garderait pas.
  Mon père adolescent s'était fait virer d'absolument tous les lycées de son rectorat, et c'est sa mère qui était venue depuis l'étranger pour plaider sa cause auprès du recteur en personne pour qu'on lui trouve un bahut où il puisse finir sa scolarité, légende familiale. Moi quand je faisais une connerie en pension et que je me prenais une grosse baffe du directeur alcoolique pour aller voir dans les coins de la pièce si c'était pas poussiéreux, il fallait mieux que je n'en parle pas à la maison parce que c'était en général bien cherché qu'on me disait.
  Ma grand--mère qui avait des bons conseils de merde, m'avait-dit une jour :
  - Toi qui fait des dessins, tu devrais noter les phrases que te dit ton père pour réussir et mettre un marteau au dessus du crâne d'un personnage avec la phrase :"Enfoncez-vous bien ça dans la tête !". 
  C'est dommage que l'expression "Et dans ton cul ?" n'était pas encore à la mode, parce que je pense que j'aurais pu la placer. 
  Des images de mes expos passées et potentiellement futures sur insta, je crois c'est bien, c'est porteur, s'abonner est easy. Et des photos de ma jeunesse, peut-être, avec ou sas moustache.

samedi 18 mai 2024

117.Une chanson douce.

   À vouloir trop se placer, on perd le sens de la mesure. Voyez, moi, je fais des finaux de messages un peu surprenants, des fois, soit pour tenter la pirouette (même si ce n'est pas maîtrisé, disons, calculé) soit parce que ça vient tout seul et j'ose pas reprendre parce que c'est joli. Mais la plupart du temps, je ne comprends pas très bien de quoi que j'ai voulu parler ou le lien avec la choucroute. Il faut que je me relise de la même manière que quand je regarde encore et encore la vidéo montée, et le montage de la vidéo avant, pour être sûr d'avoir bien dit n'importe quoi et que je me doute que je vais encore avoir des personnes qui se demandent si je suis réellement dépressif et hésitant ou si ce n'est qu'une façade de bon aloi, j'ai jamais compris cette expression. Pas la façade, le bon aloi. Quoique la façade je la remplacerais bien par la pergola. Il avait une expression digne de pergola qui masquait son bouillonnement intérieur.   
  J'ai la vengeance mesurée, voyez, encore un sujet qui se glisse après une intro et qu'on se demande où il veut aller. Comme si j'avais un plan secret dans un laboratoire pour mes expériences génétiques sur des moutons, caché à Étretat, et un ULM. Je sais pas pourquoi, ça me semble plus secure qu'un deltaplane (on en saura plus dans la vidéo 135) et encore plus qu'un mégaphone, alors que bon, les planeurs, hein. (Les planeurs quoi ? Il est con ce type, il veut dire quoi, nan mais on comprend rien à tes messages blogues, je vais arrêter de te lire, attention, ne me pousse pas à bout !).
  J'ai le vengeance mesurée, je n'en veux pas trop à mon père qui a bien fait ce qu'il a pu et sous ses dehors bourru cachait un cœur en or côté en bourse merci papa, ou aux mâles alphas cisgenres (mais pourquoi ces mots ?) qui ont fait 68 en pensant que la fête allait leur permettre de continuer de se la péter en expliquant à qui veut bien l'entendre que c'est le fun de faire des trucs non capitalistes (même si eux étaient salariés pour te dire que tu n'allais pas réussir) mais en même temps, si je veux un atelier et faire des gros tableaux avec des images pleines de bêtes, va bien falloir que je serre des louches un peu grasses ou qui piquent (?... Même si jusque là j'ai eu la chance de ne croiser que des bonnes âmes sincères aimant mon graphisme construit pas à pas dans l'incertitude de l'acrylique et du pinceau ancien). 
  Investir dans l'art, c'est aussi placer son argent sale en sécurité, un investissement qui vous permettra de laisser passer la guerre comme une plume glissante entre des barreaux d'une banque anglaise au vernis aussi léger qu'une fumée de thé Earl Grey dans un pavillon de vieille dame guindée qui collectionne les arrosoirs. 
  Ou alors ou alors, comme je dis dans le vidéo 133, me cacher et profiter de ma fortune passagère pour fabriquer dans mon coin sans faire de vagues au bord de la grève qui rapetisse à chaque marée et font disparaître les bunkers de notre enfance.
  J'ai la vengeance mesurée car je sais qu'un jour (un jour, oui ! Début de la choré) je présenterais le festival de quelque chose et qu'à part les teubés de la buvette (je ne fais pas un amalgame, tous les gens qui sont à la buvette ne sont pas des teubés, mais l'alcool parfois aide à désinhiber la partie du cerveau qui vote rassemblement national) les ceux qui auront reconnu en moi un noble de la littérature ou un prix Goncourt, ou un prix quelconque pour pouvoir briller, j'ai une obsession harrypoteresque de la reconnaissance, je risque de glisser vers Serpentard avant la fin de la bataille, à moins que je sois honnête jusqu'au bout, et fier, et fidèle à mes convictions du plus faible avant le plus fort, avec un T-shirt J'encule Darwin en lettres dorées sur du fluo rose. Avoir conscience de ses lacunes est un grand pas pour l'homme.
  J'ai la vengeance mesurée parce que tous les échecs sociaux que j'ai pu traverser, ces moments où on débarque quelque part et qu'on sent bien qu'on gêne (trop grand trop tout qui dépasse, pas assez discret, pas dans les convenances) alors qu'on a tant à dire et tant envie de dire, qu'on sait qu'on est bon et sincère et doux et que si en face la personne s'était (je me fais croire) un peu détendue en comprenant l'animal, elle aurait pu partager ma culture, mon primesautier enthousiasme (y'avait lontemps, avec fortune c'est le mot le plus employé du mois sur ce blogue) et mes convictions connectiques uniques d'un point à l'autre, de la porte qui coince au dernier Damasio, et s'amuser avec moi sur ce moment formidable on est vivant youpi. On devrait relire Karl Marx.
  Il m'est d'ailleurs arrivé moi aussi d'être un imbécile et de ne pas accueillir les personnes ouvertes, ou de trop accueillir les personnes fermées qui se fermèrent davantage, ou de trop accueillir les imbéciles qui pensaient voir en moi un idiot à exploiter, ou un potentiel aidant qui n'avait, hélas, pas les clefs du paradis. Ah mes amis, la relation humaine est tout à fait contextuelle , c'est formidable ! 
  Mais je tourne autour sans dire encore, j'ai la vengeance mesurée, enfin, car après toutes mes années d’aïkido, je saurais envelopper l'ennemi dans un mouvement leste et l'emmener avec moi dans la chute sur l'herbe molle pour cueillir sans vergogne les pâquerettes de la vie. Je suis, comme tout un chacune, un oscillateur saisonnier, et mon orgueil d'imaginateur non binarisé (je dis ce que je veux) hérité sans doute de ma mère, est lui aussi mesuré et mesurable (je retombe sur mes pattes avec l'intro de ce post) dans un verre gradé taille pinte en plastique, où que je peux mettre, soyons fous, des graines de sarrasin j'ai jamais su combien de temps ça cuit, qu'on enfournera après cuisson au four thermostat 180 degré avec du fromage dessus si tu aimes le fromage.
  Je me demande quand même pourquoi on a gardé l'eurovision.

vendredi 17 mai 2024

116.Gagner des médailles.

   Être un héros des années 80 dans sa tête n'est pas une mince affaire pour réussir dans la vie. Je vois mes journées en séquences de film, avec les passages faciles et cools et ceux compliqués où le héros va avoir maille à départir (on dit à partir ou à départir ?) avec les autres héros partout autour, même si personne ne se rend compte que c'est l'architecture du bâtiment et la géographie du terrain qui donne le sens à l'histoire et dirigent véritablement le récit. Quand créera-t-on une palme d'interprétation pour la forêt dans laquelle on tourne ?
  Je suis happé comme tout un chacal par les marqueurs de la vie française. Les vacances de Pâques, les congés pas payés, les ponts, Roland Garros, Cannes, les Molières, Avignon, la coupe de l'UEFA, les scandales quotidiens des imbéciles harceleurs et tordus qui pensaient vieillir aussi tranquilles que Franco.
  L'amour et l'amitié sont les choses les plus valables dans une journée sans what's app. Je voudrais pouvoir devenir l'image que je crois être depuis toujours, un Michel Drucker sans la télé, capable de rester copain avec tout le monde sans faire de vagues et d'inviter à la même table des gens de tous les bords pour rigoler aux blagues d'un imitateur de droite qui habite dans un château. Après il y aura peut-être des révélations sur Michel Drucker, cela serait dévastateur car nous n'aurions plus aucuns repères et le monde sombrerait dans le chaos. Bon, le monde est déjà dans le chaos, c'est pas très grave alors.
  La reconnaissance c'est important, d'où les marqueurs. Les marqueurs c'est un peu comme les récompenses, je me sens content de voir que je suis allé jusqu'au bout de cet événement qui vient, quand la pleine lune ou les règles de ma copine sont passées, je peux enfin me mettre à faire des crêpes. La douceur est nécessaire pour l'obtention du baccalauréat, que je n'ai pas je le répète, non que ce soit une marque de fierté, je m'obsède de ce passage raté, et heureusement que j'ai eu mon permis de conduire du premier coup après l'orage à quarante six ans passés, comme mon certificat de fin de stage doublée d'une auto-autorisation de sortie aux Beaux-Arts où je commençais à faire du Jean-Martial et pas du tout du (mettre ici le nom de l'enseignant qui prenait la place de l'enseignant qui prenait la place de celui qui voulait qu'on fasse comme lui mais sans le dire vraiment parce que c'est ce qui se passe partout tout le temps mais il ne faut pas le dire c'est un secret ) et ça plaisait moins à (mettre ici le nom de l'enseignant qui prenait la place de l'enseignant qui prenait la place de celui qui voulait qu'on fasse comme lui mais sans le dire vraiment parce que c'est ce qui se passe partout tout le temps mais il ne faut pas le dire c'est un secret ) ce qui est fâcheux car j'aime bien (mettre ici le nom de l'enseignant qui prenait la place de l'enseignant qui prenait la place de celui qui voulait qu'on fasse comme lui mais sans le dire vraiment parce que c'est ce qui se passe partout tout le temps mais il ne faut pas le dire c'est un secret )
  J'avais sur-aimé son travail avant d'entrer à l'école et tenté maladroitement de faire comme lui fort consciemment pour plaire et comme un test en me disant, on va voir s'il se rend compte que je le singe, et c'était passé, on m'avait félicité en me disant bravo c'est super, c'est original, et je trouvais que ce que j'avais fait alors était super chiant et tout à fait banal et prêt à entrer dans une galerie qui ne fait pas de vagues et tout le monde est un artiste youpi tralalala. Et puis j'ai arrêté, et c'est plus passé, on m'a fait les gros yeux, on s'est scandalisé sans aimer ma poésie, on a dit mais qu'est-ce que tu fais voyons, on ne t'a pas demandé d'être original, il faudra attendre tes soixante ans pour ça. J'oubliais que je n'étais pas un grand avec des muscles. Les muscles permettent souvent de donner du corps aux arguments face à des imbéciles hautains qui pensent savoir mieux que toi ce que c'est qu'inventer sa vie avec des formes neuves.
 Peut-être que si j'avais eu un foyer aimant et soutenant je n'aurais pas claqué la porte et écouté mon regretté ami Claude qui m'encourageait à passer au dessus du mépris pour reprendre confiance et montrer des trucs un peu nuls le temps du diplôme pour plaire à tout le monde, j'en sais rien.
  Obtenir son histoire en diplôme, voilà qui serait fort, je vois déjà la cérémonie proche du monument aux pierres (oui, un monument aux pierres fait en parpaings, pas loin du monument aux oiseaux, fait en paille) : "Vous vivant, vous avez des illusions, bravo, c'est un succès, je vous donne le droit de vivre encore et de rechercher le bonheur dans votre quotidien, c'est tout ce qui compte, soyez heureux, tentez de l'être, le maire psychologue vous accueille le lundi et mardi entre 9h00 et 12h00 avec un café et des croissants pour parler du PLU et de votre maman.", et le président de la forêt jouerait de la scie musicale avec les biches et les lapins dans un rayon de soleil bien placé avec la gentille quiche en robe à fleurs qui sourit pour la photo. 
  On va encore me dire que je suis pour le patriarcat. C'est le problème des années 80. Tu regardes le film Association de malfaiteurs de Claude Zidi, tu comprends. Les hommes d'affaires sont des brutes épaisses qui prennent les femmes comme des haltères, plus on force, plus on devient musclé. Il n'y a pas beaucoup de salles de sports dans les exploitation de gavages d'oies par ici.
 
 

jeudi 16 mai 2024

115.Déboulé de canon.

  Je suis totalement bordélique, mais moins que ma sœur. Je récupère de nombreux livres parce que j'ai toujours envie de lire et je sais, comme tout bon lecteur, qu'il est important quand on lit de ne PAS lire les livres qu'on a et d'en trouver d'autres qu'on lira peut-être un jour. Je zone dans mes désirs multiples d'idées démultipliées inachevées ouvertes en collectant illustrés, récits, guides et poèmes qui me parlent (je ne reparlerais pas ici de ma méthode de classement en trois où on peut tout classer, littérature(s), livres méthodes ou parlant d'un sujet précis, et le reste, incluant tout le bizarre, théâtre ou poésie, fanzines inclus). Quand je classe mes livres, je me détends. C'est la raison pour laquelle il m'en faut quelques uns à domicile et à portée de main. Je rêve d'avoir une bibliothèque, le meuble, dans chaque pièce de ma future maison de je sais vraiment pas si j'en aurais une à moi un jour. Les prix sont élevés, on achète pas une maison comme une toile de Jean-Martial Estève en direct de l'atelier Demi-Cachalot. 
  Y'en avait, y'a quatre ans, mais les gens fortunés ou avec le pouvoir du crédit ancestral, ont pris les moins chères rapidos pour fuir l'épidémie de chiasse (vu que les gens se sont jetés sur le papier toilette je crois que c'était ça) et depuis, macache pépètes, le bon coin en pointe dans ton Q. Des mages inspirés un soir de pleine lune autour d'un feu de Saint Jean avec les manèges, m'ont dit en levant les yeux : "ça va baisser ça va baisser...". Pas trop, là où je suis. 
  Rester locataire n'est pas si sot quand on voit les frais que ça engendre, une maison à soi. Je préfère m'acheter des livres. En même temps, j'ai le désir d'une pièce de peintre et d'une pièce de petit bureau de travail à écrire scotcher coller découper avec vue sur du lierre. Mon temps n'étant pas extensible, je m'interroge sur la durée de mon corps pour étirer des toiles et passer le gros pinceau queue de morue sur mes baleines couleur girafe. Maintenant que les américains ont trouvé qu'Alzheimer était génétique, on va sans doute déceler chez l'artiste dispersé une propension à manger ses chaussettes.
  Il y a toujours des études différentes, c'est la science contre l'expérience, Parfois on dit, une vie pleine de stress, de bouffe dégueu et d'isolement avec une connasse, joue. Je ne parle pas pour moi.
  Je suis dans le questionnement du comment vieillir dans un monde qui couille, et ça m'obsède pas plus que ça mais j'y travaille. La vie dans les bois, ou du moins pas loin des bois, m'a amené à me tordre le pied, à me couper le pied (plus tôt mais le même) à me gripper, à me bloquer le dos et à pester mais peu, vu que dans ces cas là je range mes livres, contre le mauvais temps cette année très mauvais. Plus j'en apprends sur l'eau et les gros groupes qui la vendent et la laissent s'abimer pour qu'elle devienne plus chère encore plus tard pour être mieux pas filtrée mieux pas traitée mieux pas gérée et provoquer des embouteillages dans les océans, plus je me dis que foutu pour foutu, autant niquer des chèvres.
  Non, je n'en suis pas là. J'ai trop de respect pour le fromage. Qui a doucement pompé un pis de la main, ne peut pas avoir l'attitude rustre du berger solitaire au fond des maquis un soir d'orage, développant par là-même un attachement contre-nature woke inspiré par le diable qui comme chacun se rappelle a des pochettes surprises filles sur le crâne et des serpentins à la place du manteau. Mais pour moi le diable aurait plutôt la forme d'un cintre. Cet objet est plus maléfique qu'une arme.
  Quand on pense à Zeus qui pour se taper Europe s'est déguisé en taureau blanc, enfin métamorphosé, parce que déguisé je sais pas si ça passerait. Oui Europe est une femme grecque, des questions ?
  Rien à voir mais si, j'ai retrouvé trois lots de cassettes, une pour apprendre le russe, une pour l'italien, une pour l'anglais. Manque plus qu'à trouver un lecteur cassette, ou un walk-man. Je suis sûr qu'ils en refont des walk-man(s).
  Quand j'étais à Libourne, je me souviens, les soirs où ça merdait à la maison, je passais beaucoup de temps dehors à zoner sur les quais, en écoutant du Bach et d'autres trucs. J'avais une veste à poches avec une cassette par poche, et je me disais, quand j'aurais écouté toutes les poches, je rentrerais et ça ira. Bon ça marchait pas à chaque coup, mais des fois si.

mardi 14 mai 2024

114.Les grands ruisseaux font les petites rivières.

   En rapport au numéro du chiffre de ce post apocalyptique, si je devais me caler sur la vidéo de la semaine, c'est comme si j'aurais vingt vidéos de retard vu que j'en suis à la 133. Comme si j'aurais, tout à fait, je fais ce que je veuilles.
  J'ai arrêté d'écrire sur ce blogue depuis environ quelque temps déjà et c'est mal (bruit de lampe de chevet tapée plusieurs fois sur la crâne). Il y a des gentes qui aiment mon écriture particulière de jeudemoteur de recherche, et je les délasse. Les délaisse, pardon. 
  L'absolue concentration peut s'obtenir en tentant de chasser les papillons de papier qui s'échappent des cartons anciens. Je m'explique. Mon formator, un formateur mentor, nous avait coaché tôt : "Gardez des traces !", et c'est sous ce capuchon de stylo stabiloteur mental que ma vie se cala. J'ai parfois jeté des carnets de périodes que je prenais pour nulles (les années classe prépa de théâtre, ouhlala) et je le regrette aujourd'hui, mais dans l'ensemble, j'ai fait le job de marqueur, j'ai stocké des notes de ce qui se passa dans mon esprit depuis mes 18 ans environ. Avant il n'y avait rien.
  En arrivant en Aquitaine, on n'en parle pas assez, le choc Cthulhuturel fut de masse, de taille cyclopéenne, de résonance auditoriumesque. Il ébranla mon coeur, mes os, mes organes cachés et moins, tout fut pris de panique, je n'y comprenais rien (mais alors, vraiment). Passer du catho carré dans la cour à cathéter laïque aux horaires attaqués, biberonné de Sud-Ouest, je n'avais pas les armes, la formation ou le modèle. 
  Ici, les gens n'étaient pas les mêmes.
  Déjà lorsque je pris la décision de quitter les murs de la déraison familiale haute-saônoise pour aller me colter à une autre bien plus velue, quoique moins insidieuse, je m'étais pris quelques claques, réelles et fantasmées, car j'avais un an de retard sur le processus intégratif (redoublement déjà traumatique en cinquième où tout mes potes passèrent la classe au dessus sans moi alors que j'étais plus intelligent qu'eux tous réunis, déjà, système scolaire français merveilleux) et dix ans sur le mental, ma vie s'étant bloquée sur mes dix ans, je digère très lentement les traumas shakespeariens des soirées alcoolisés d'une maman retorse et pleurant à genoux qu'elle va changer si seulement on lui laissait le temps. Mais il n'y a jamais le temps.
  Au fond du puits qui donne sur le A, cette décision fatale futile de départ barbare où je quittais ma première copine dont je n'avais pas trouvé le bon trou et m'étais endormi dépité sans faire grand chose, elle aussi car elle était ivre, quoique consentante (tu fais attention à pas me venir dedans), je me demandais par quel bout j'avais fait ce choix débile de quitter encore mes amis que j'aimais pour un hypothétique ailleurs que j'aimais pas.
  Fut-elle de mon fait véritable ou insidieusement proposée par les vents contraires du ras-le-bol quotidien impossible à saisir de mes hébergeurs sadiques qui me répétaient en boucle comme dans un bon roman de Roald Dahl : "On est pas à l'hôtel, tu ne nous plait pas dans ton attitude équivoque de jeune homme vouté et peu musculeux, tu n'es pas à la hauteur mais passe moi quand même la boite de conserve là-haut, tu ne fais rien comme il faut et de toutes façons tu n'arriveras à rien car tu n'es pas normal, tu as des problèmes et il te manque quelque chose pour être..." ?
  C'est donc à 19 ans que je pris la mesure de ma démesure et cru que j'allais percer quelque chose quelque part ailleurs. Je m'interroge souvent sur ma quête idiote de chevalier névrotique mal dégrossi sans repères. Pas d'éducation classique, un amour très ténu de mon estime personnelle, pas de moments joyeux véritables ou organisés, une sourde et perpétuelle remontrance qui me faisait comprendre que je ne serais jamais au niveau de mon frère mort avant moi (du moins de ce que mon frère aurait pu être avant moi s'il avait vécu plus qu'au tout début de sa vie, le Jean-Martial 1, souvenons-nous). Jamais.
  L'arrivée dans la ville aux cépages entêtants, pesticidée de partout autour, fut une ouverture à un monde inconnu où je m'entrainais déjà à saboter ma place, un étrangement viscéral dont les règles simples étaient là pour être bousillées au mauvais moment quand tout était acquis. J'avais peu de clefs et je devais tout apprendre, avec une mère qui n'avait pas pris le temps de cadrer mes attentes et encore moins les siennes. Comment pensai-je alors ? 
  Quand je relis mes notes, quand je revois mes courriers, mes illusions, mes désirs de cette arrivée, je vois un très très jeune homme paumé comme pas permis avec pas du tout de curseurs et une ignorance totale de ce qu'il faut faire pour s'en sortir, un minimum de plan, une once de cartographie apaisée, même dans le feu des découvertes. 
  Les parents sont des maîtres qui jouent ou ne jouent pas leurs rôles de pédagogues autonomes. Mon padre n'avait rien dit sur comment il fallait vivre dans le monde tout en me renvoyant sans cesse dans les cordes en disant à d'autres que je devais trouver tout tout seul et que aider d'autres enfants que toi c'est bien car tu es nul. Et de toutes façons tu es nul. Enfin j'eusse aimé qu'il me qualifiât islamique et ostentatoirement, pardon aux familles, avec des mots crus de son cru, mais c'était plutôt des sourcils levés, des soupirs, des agacements fâchés genre j'ai autre chose de mieux à faire et une question sourde qui disait sans dire que ma place n'était pas ici (c'est du moins ce que mes souvenirs en disent) et que j'étais juste toléré parce que tu restes mon fils mais quand même, laisse-moi tranquille, tes questions sur le monde ne m'intéressent pas, j'ai ma télé pour parler avec, ça suffit. Pour les autres enfants qu'on préfère aider, ça, ça a été dit crûment, je me souviens même avoir dit qu'on ne pouvait pas dire ça, et après mes notes à l'école ont, bizarrement, baissé. L'encouragement mon pote, pas mieux.
  L'image que je lui renvoyais, grand, maigre, utilisant le téléphone de la maison pour appeler des copines pendant des heures et c'est trop cher on va couper le téléphone et cette semaine pas d'argent de poche, n'était pas l'image qu'il aurait voulu. Il eut fallu que je brillasse modeste et que je sois confiant et batailleur, avec une balle au pied et un fusil à l'épaule, un petit braconnier espiègle mais intégré, l'abbé Pierre du chasseur français. Mais l'image qu'il aurait voulu, il fallait la deviner et ce n'était pas clair. j'aurais du être une fille propre sur elle, présentée par ses parents, qui savait repasser, faire à manger et le ménage en souriant, toujours. Et accessoirement fabriquer des meubles.
  Arriver sur le sol girondin me ramenait aux racines de mes ancêtres et à la fois à l'espoir d'un ailleurs plus grand, une liberté plus simple. Je n'avais pas compris que mes valises étaient lourdes et ma mère dingue. Premier mauvais choix au lieu de rester sage en pension dans le Doubs et calculer un peu la suite en pensant à demain. Mais la pression de mon vieux était toujours là, elle n'est d'ailleurs jamais vraiment partie, cherchant un après, un moment mieux, un futur meilleur où j'aurais enfin réussi au niveau de ses trente glorieuses, niveau toujours trop élevé, résultats jamais satisfaisants, carnets de notes pas possibles, et vacances scolaires souvent utilisées pour me coller dans des cours supplémentaires pensionnés où la distraction n'était pas bienvenue parce que tu dois te mettre à niveau, tu es trop mauvais. 
  Je ne m'étonne pas trop d'avoir vrillé longtemps sur un chemin désocialisé où plus ça devenait grand, plus je faisais n'importe quoi pour tenter de survivre dans les allées des espaces supermarchands où les caddies sont les satellites du voyage jusqu'au bout de la caisse.
  Un an plus tard quand je vins passer des vacances chez eux, après avoir vécu une année de stress avec ma mère perchée, ma chambre était devenue une chambre d'amis. Ma belle-mère me dit :"Mais tu étais parti !". Mon père avait continué à se débarrasser de toutes mes affaires, livres et jouets. La déconstruction de ma personnalité aurait pu être un tremplin pour m'engager dans la marine, au lieu de ça, je pris un billet vers Lyon pour revoir la fille un an auparavant quittée.
  Ce fut un fiasco. Et le nom de mon futur cheval de justicier masqué.