Je suis impatient de vivre. Je me suis fourvoyé dans le tunnel, j'ai
entendu des chiens et je suis allé voir, me retrouvant face à face avec
un bataillon décimé tout vert que j'aurais pu sauver si les ordres
n'avaient pas été donné de les envoyer à la boucherie chercher trois
biftecks pour midi qu'on mangera avec des haricots verts en boite, et
pour entrée des betteraves sous plastique et un quart de villageoise
pour papa.
Mes souvenirs sont changeants, influencés par le vidéo club, je
voudrais les organiser avec plus de rires dedans dans la boite à coucou.
Je m'amuse à les retourner sept fois, à les rendre illisibles en
détournant le flux vers des digressions alambiquées avec un chapeau de
cuir à larges bords comme sur la couverture du livre de Cendrars que je
n'ai jamais lu.
Mes lancinantes questions sont toujours pas les mêmes, est-ce que ça
vaut une psychanalyse ? Pourquoi me suis-je autant attaché à mes bien
terrestres et à ma collection d'images ? Pourquoi ai-je été happé et
retenu avec une telle force dans mes taudis au lieu de fuir vers
d'autres horizons lointains avec des ariégeoises inspirées ?
Apporter ma pierre au moulin, réparer la roue à aubes parce que c'est
joli, chasser l'indien des plaines et du cimetière ou de la grotte,
devenir ours ou goéland, maigrir sous le poids des responsabilités qu'on
ne comprend pas et qui empêchent de vivre simplement les amours
impossibles, péricliter sans faille en hollandais volé, perdurer dans
les pages d'un recueil absolu où toutes tes vies consignées
lépidoptérisent tes passagères sensations de vide/plein assis sur le
zafu.
Maman, papa, beaux parents, familiers, tous dingues ? Et moi donc !
Prisonniers volontaires de nos entourages, de nos choix de crédits pour
un véhicule diesel avec porte coulissante et troupeau de zèbres dans le
moteur, de nos éducation pleine d'interdits qui empêchent de manger sa
voisine en ragout bien qu'elle soit si apétissante, injonctions à faire
faire faire, plutôt qu'à s'amuser à vivre, voyages subis pour vendre des
bananes, alors que tout ce qu'on souhaite, c'est une salle de sport
privée et des bras qui t'enveloppent.
Ah que ce serait bien si les humains étaient un peu moins mabouls,
comme le merveilleux magasin de fringues cheap en vrac à la sortie de
Libourne un peu après chez Corbal, le coach pédagogue amical de toujours
dans la vidéo hors-série Arte Res des Nuits sont courtes,
entre la vidéo 80 et la 81, quatre ans déjà, quand je venais chez lui
pour regarder ses bols de peintures sur la table en plastique du jardin,
remplis d'eau de pluie, reflétant le ciel chargé de promesses futures.
Je ne savais pas encore tout le tortueux chemin que j'allais me faire
vivre pour arriver à ce matin de mai 24 avec la chienne qui me réveille à
6h30 pour aller faire sa crotte sur l'herbe fraîchement tondue ça pousse ça pousse.
Pourquoi diable les jeunes ne votent-ils plus pour les vertueux ?
Pourquoi Albert Dupontel non plus ? Pourquoi laisser encore les vieux
décider à notre place du Brexit qui vient et un avenir pathétique défoncé
par les lobbys du choux-fleur, alors que partout en cherchant un peu je
vois des initiatives intelligentes, rebelles, inspirantes et poilues en
jupes qui me sussurent malgré mon encroutage de comté trop affiné, qu'il
sera possible de recruter des fous et des bizarres pour mon projet
secret de base nautique à 500 places pour jouer des pièces
contemporaines.
Dois-je d'abord m'autoriser le vide, un quotidien souple où je sache
donner la priorité aux miquets, à la parole drôle, à l'absence de colère
face à l'absurdité de nos choix animaux qui mordent sans y penser et
regrettent d'avoir cassé les jouets du voisin souvent trop tard ? Que
puis-je garder sur l'île en feu à part mes livres, moi qui n'ai aucune
nostalgie des jours passés qui ne reviendront plus et à jamais dans
l'espace d'un monde ancien voué à l'oubli nécessaire des dinosaures
squatteurs d'un futur parking de banque ?
Le regard de mon vieux paumé dans son Epadh, son sourire désarmé et
désarmant quand je l'ai connu si enclume à me considérer comme un pas
bien parce que mauvais marchand, sachant qu'il désirait pour moi le mieux,
mais de loin, sans trop impliquer son compte en banque... Les moments
d'arrêts dans les rayons de l'Inter d'un bus d'anglais chevrotants,
lâchés là pour faire des souvenirs, l'escargot sauvé d'un piétinement
certain avant le dernier pipi du soir, l'araignée protégée de la gueule
du toutou qui a le temps de se sauver sous les bûches du balcon, la
poulette chantante recouverte de plantes enroulées en nid, piquées sur
le tas des tondeurs forcenés, reposant sur l'herbe humide de la rosée
brumeuse au petit matin... Du repos et des phrases simples qui ne
poussent pas à s'engueuler pour rien, une absence d'obstacles dans le
programme à suivre qui fluctue au gré du soleil, des vacances studieuses
dans la cabane à thé et des croquettes pour le gros chat blanc qui ne
veut pas que je termine ce post matinal.
Je ne remercie pas toujours ceux qui me firent naitre dans leurs
problèmes non réglés de réussite naturelle d'une époque combative,
pourtant j'envisage leur gloire héritante à travers moi, car de leurs
failles je reste à jamais redevable sans crédit, dans un marché commun
gagnant-gagnant, deal et tente où enfin je saisis qu'il est bon d'être
là à tapoter le noir pour harnacher son cap. Le contraire n'étant pas
utile depuis la décolonisation, heureusement.
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