vendredi 24 mai 2024

119.Matutinal Martial.

  Je suis impatient de vivre. Je me suis fourvoyé dans le tunnel, j'ai entendu des chiens et je suis allé voir, me retrouvant face à face avec un bataillon décimé tout vert que j'aurais pu sauver si les ordres n'avaient pas été donné de les envoyer à la boucherie chercher trois biftecks pour midi qu'on mangera avec des haricots verts en boite, et pour entrée des betteraves sous plastique et un quart de villageoise pour papa.
  Mes souvenirs sont changeants, influencés par le vidéo club, je voudrais les organiser avec plus de rires dedans dans la boite à coucou. Je m'amuse à les retourner sept fois, à les rendre illisibles en détournant le flux vers des digressions alambiquées avec un chapeau de cuir à larges bords comme sur la couverture du livre de Cendrars que je n'ai jamais lu.
  Mes lancinantes questions sont toujours pas les mêmes, est-ce que ça vaut une psychanalyse ? Pourquoi me suis-je autant attaché à mes bien terrestres et à ma collection d'images ? Pourquoi ai-je été happé et retenu avec une telle force dans mes taudis au lieu de fuir vers d'autres horizons lointains avec des ariégeoises inspirées ?
  Apporter ma pierre au moulin, réparer la roue à aubes parce que c'est joli, chasser l'indien des plaines et du cimetière ou de la grotte, devenir ours ou goéland, maigrir sous le poids des responsabilités qu'on ne comprend pas et qui empêchent de vivre simplement les amours impossibles, péricliter sans faille en hollandais volé, perdurer dans les pages d'un recueil absolu où toutes tes vies consignées lépidoptérisent tes passagères sensations de vide/plein assis sur le zafu.
  Maman, papa, beaux parents, familiers, tous dingues ? Et moi donc ! Prisonniers volontaires de nos entourages, de nos choix de crédits pour un véhicule diesel avec porte coulissante et troupeau de zèbres dans le moteur, de nos éducation pleine d'interdits qui empêchent de manger sa voisine en ragout bien qu'elle soit si apétissante, injonctions à faire faire faire, plutôt qu'à s'amuser à vivre, voyages subis pour vendre des bananes, alors que tout ce qu'on souhaite, c'est une salle de sport privée et des bras qui t'enveloppent.
  Ah que ce serait bien si les humains étaient un peu moins mabouls, comme le merveilleux magasin de fringues cheap en vrac à la sortie de Libourne un peu après chez Corbal, le coach pédagogue amical de toujours dans la vidéo hors-série Arte Res des Nuits sont courtes, entre la vidéo 80 et la 81, quatre ans déjà, quand je venais chez lui pour regarder ses bols de peintures sur la table en plastique du jardin, remplis d'eau de pluie, reflétant le ciel chargé de promesses futures. 
  Je ne savais pas encore tout le tortueux chemin que j'allais me faire vivre pour arriver à ce matin de mai 24 avec la chienne qui me réveille à 6h30 pour aller faire sa crotte sur l'herbe fraîchement tondue ça pousse ça pousse.
  Pourquoi diable les jeunes ne votent-ils plus pour les vertueux ? Pourquoi Albert Dupontel non plus ? Pourquoi laisser encore les vieux décider à notre place du Brexit qui vient et un avenir pathétique défoncé par les lobbys du choux-fleur, alors que partout en cherchant un peu je vois des initiatives intelligentes, rebelles, inspirantes et poilues en jupes qui me sussurent malgré mon encroutage de comté trop affiné, qu'il sera possible de recruter des fous et des bizarres pour mon projet secret de base nautique à 500 places pour jouer des pièces contemporaines.
  Dois-je d'abord m'autoriser le vide, un quotidien souple où je sache donner la priorité aux miquets, à la parole drôle, à l'absence de colère face à l'absurdité de nos choix animaux qui mordent sans y penser et regrettent d'avoir cassé les jouets du voisin souvent trop tard ? Que puis-je garder sur l'île en feu à part mes livres, moi qui n'ai aucune nostalgie des jours passés qui ne reviendront plus et à jamais dans l'espace d'un monde ancien voué à l'oubli nécessaire des dinosaures squatteurs d'un futur parking de banque ?
  Le regard de mon vieux paumé dans son Epadh, son sourire désarmé et désarmant quand je l'ai connu si enclume à me considérer comme un pas bien parce que mauvais marchand, sachant qu'il désirait pour moi le mieux, mais de loin, sans trop impliquer son compte en banque... Les moments d'arrêts dans les rayons de l'Inter d'un bus d'anglais chevrotants, lâchés là pour faire des souvenirs, l'escargot sauvé d'un piétinement certain avant le dernier pipi du soir, l'araignée protégée de la gueule du toutou qui a le temps de se sauver sous les bûches du balcon, la poulette chantante recouverte de plantes enroulées en nid, piquées sur le tas des tondeurs forcenés, reposant sur l'herbe humide de la rosée brumeuse au petit matin... Du repos et des phrases simples qui ne poussent pas à s'engueuler pour rien, une absence d'obstacles dans le programme à suivre qui fluctue au gré du soleil, des vacances studieuses dans la cabane à thé et des croquettes pour le gros chat blanc qui ne veut pas que je termine ce post matinal.
  Je ne remercie pas toujours ceux qui me firent naitre dans leurs problèmes non réglés de réussite naturelle d'une époque combative, pourtant j'envisage leur gloire héritante à travers moi, car de leurs failles je reste à jamais redevable sans crédit, dans un marché commun gagnant-gagnant, deal et tente où enfin je saisis qu'il est bon d'être là à tapoter le noir pour harnacher son cap. Le contraire n'étant pas utile depuis la décolonisation, heureusement.

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