vendredi 30 août 2024

131.Dans le piétinement du mammouth.

  De l'espace, du temps, de l'organisation. Le luxe. Le luxe tel que je le visualise. Prendre le temps dans l'espace pour m'organiser. C'est très simple, un peu crétin aussi. Le genre de truc qu'on apprend tôt à l'école. Mais l'école, j'ai pas vraiment réussi. À comprendre comment l'éducation française fonctionnait, déjà. Apprendre sans comprendre pourquoi j'apprenais m'a longtemps empêché d'apprendre. Nous ne mettons pas tous les mêmes sens aux mêmes mots, et c'est compliqué parfois de se faire comprendre. Faire comprendre qu'on a pas compris, alors qu'en face la personne te dit que c'est évident, voyons. Rien de mieux pour que je me ferme. Ce qui est évident c'est que dés que tu dis de prendre exemple sur quelqu'un d'autre qui a compris, je vais détester quelqu'un d'autre qui va me regarder de haut et je vais te détester parce que tu ne peux pas avoir le temps de m'expliquer vu qu'on est 32 dans la classe et que le programme.
  Je suis à la fois très lent, et très rapide. C'est la confiance en soi dans un monde tordu où la compétition reste la compétence, ou le timing est chronométré pour que tu rendes à temps ta copie. Non pas que j'exclus complètement cette matrice naturelle des vingt quatre heures terrestres et que l'obsession du perfectionnement imbécile qui prend des heures de trop m'obsède, mais j'eus aimé vivre dans un monde ressemblant davantage à une recherche sur comment mieux vivre entre humains plutôt que se marcher dessus pour avoir le poste manquant. Car toujours quand tu gagnes, quelqu'un perd. Enfin même de ça je suis pas convaincu. Je dirais toujours quand tu gagnes quelqu'un gagnera un peu après. Mieux. Même si c'est un peu optimiste. Mon premier voyage en mer. 
  La compétence c'est assez souvent ne pas remettre en question ce qu'on te demande de faire. Après, tu fais la vaisselle, bon, sans lave-vaisselle, là, j'ai la compétence, je connais l'éponge, l'eau, le savon liquide, et tiède c'est mieux. Froid j'aime moins, et pour le gras j'aime moins aussi. Faut que je pense à racheter de l'huile. 
  Lorsque je zonais à l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, des années à m'en remettre, je me souviens avoir montré, fier de moi et tout sourire, en première année, à un enseignant ruminant d'en bas, un papier avec écrit dessus, tapé à la machine à écrire électrique (je n'avais pas d'ordinateur à la maison) : « Des feuilles volantes, des chemises à élastiques, des trombones, des crayons, des carnets, une agrafeuse... ». Pour moi c'était limpide, ça faisait sens, avec peu on fait tout ! Allait-il comprendre mon génie et me pousser du haut d'une tour pour voir se je volais ? L'enseignant me regarde, voit la feuille toute blanche en dessous, sans développement, avec juste écrit ça en haut et me dit un truc du genre ; « Oui... Et... ? ». Et... ? Et bien j'avais déjà toute ma vie sur ce morceau de presque feuille blanche. C'était (pour moi) évident et j'allais me heurter à l'incompréhension parce que je ne savais pas faire vibrer le sens de la gomme parfumée fraise à chaque rentrée des classes en rajoutant des explications en explosions de couleurs enrubannées qu'on agite sur le tapis bleu en ondulant comme une sirène trop musclée à queue de cheval à chouchou étoilé. Peut-être si j'avais mis un déguisement de cosmonaute, je ne sais pas. 
  Des trucs ultra basiques, des listes, des photos pas très créatives, des choses banales. Le sel de la vie lumineuse impossible à décrire et à partager. Avec tout ces trucs que je possède, je peux tout faire, voilà ce que je voulais dire. Un rayon de fournitures scolaires pour se relier à l'école ratée, et avec des outils de bureau, sculpter des histoires imaginaires qui font des trous métaphoriques dans la conscience. Une ambition pleine de sucre. Sans les caries. 
  L'envisagement d'un avenir plein de présents qui affolerait les foules, une révolution qui ne se fait pas étouffer par des règles qui restent immuablement identiques : percer, se faire connaître et quand t'es connu tu peux percer des plus gros trous. L'envie de faire confiance au premier venu à qui l'on demanderait d'observer un caillou jusqu'à ce qu'il y trouve la porte. Et il aurait le droit de dessiner des passages piétons avec des bonhommes dedans. En plus il pourrait mettre des barrières où il veut pour délimiter le chantier rien que pour faire chier les gros cubes. 

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