De l'espace, du temps, de
l'organisation. Le luxe. Le luxe tel que je le visualise. Prendre le
temps dans l'espace pour m'organiser. C'est très simple, un peu
crétin aussi. Le genre de truc qu'on apprend tôt à l'école. Mais
l'école, j'ai pas vraiment réussi. À comprendre comment
l'éducation française fonctionnait, déjà. Apprendre sans
comprendre pourquoi j'apprenais m'a longtemps empêché d'apprendre.
Nous ne mettons pas tous les mêmes sens aux mêmes mots, et c'est
compliqué parfois de se faire comprendre. Faire comprendre qu'on a
pas compris, alors qu'en face la personne te dit que c'est évident,
voyons. Rien de mieux pour que je me ferme. Ce qui est évident c'est
que dés que tu dis de prendre exemple sur quelqu'un d'autre qui a
compris, je vais détester quelqu'un d'autre qui va me regarder de
haut et je vais te détester parce que tu ne peux pas avoir le temps
de m'expliquer vu qu'on est 32 dans la classe et que le programme.
Je suis à la fois très
lent, et très rapide. C'est la confiance en soi dans un monde tordu
où la compétition reste la compétence, ou le timing est
chronométré pour que tu rendes à temps ta copie. Non pas que
j'exclus complètement cette matrice naturelle des vingt quatre
heures terrestres et que l'obsession du perfectionnement imbécile qui
prend des heures de trop m'obsède, mais j'eus aimé vivre dans un
monde ressemblant davantage à une recherche sur comment mieux vivre
entre humains plutôt que se marcher dessus pour avoir le poste
manquant. Car toujours quand tu gagnes, quelqu'un perd. Enfin même
de ça je suis pas convaincu. Je dirais toujours quand tu gagnes
quelqu'un gagnera un peu après. Mieux. Même si c'est un peu
optimiste. Mon premier voyage en mer.
La compétence c'est
assez souvent ne pas remettre en question ce qu'on te demande de
faire. Après, tu fais la vaisselle, bon, sans lave-vaisselle, là,
j'ai la compétence, je connais l'éponge, l'eau, le savon liquide,
et tiède c'est mieux. Froid j'aime moins, et pour le gras j'aime
moins aussi. Faut que je pense à racheter de l'huile.
Lorsque je zonais à
l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, des années à m'en remettre, je
me souviens avoir montré, fier de moi et tout sourire, en première année, à un enseignant ruminant d'en bas, un
papier avec écrit dessus, tapé à la machine à écrire électrique
(je n'avais pas d'ordinateur à la maison) : « Des
feuilles volantes, des chemises à élastiques, des trombones, des
crayons, des carnets, une agrafeuse... ». Pour moi c'était
limpide, ça faisait sens, avec peu on fait tout !
Allait-il comprendre mon génie et me pousser du haut d'une tour pour voir se je volais ? L'enseignant me regarde, voit
la feuille toute blanche en dessous, sans développement, avec juste
écrit ça en haut et me dit un truc du genre ; « Oui...
Et... ? ». Et... ? Et bien j'avais déjà toute ma
vie sur ce morceau de presque feuille blanche. C'était (pour moi) évident
et j'allais me heurter à l'incompréhension parce que je ne savais
pas faire vibrer le sens de la gomme parfumée fraise à chaque
rentrée des classes en rajoutant des explications en explosions de
couleurs enrubannées qu'on agite sur le tapis bleu en ondulant comme une sirène trop musclée à queue de cheval à chouchou étoilé. Peut-être si j'avais mis un déguisement de
cosmonaute, je ne sais pas.
Des trucs ultra
basiques, des listes, des photos pas très créatives, des choses
banales. Le sel de la vie lumineuse impossible à décrire et à partager. Avec tout ces trucs que je possède, je
peux tout faire, voilà ce que je voulais dire. Un rayon de
fournitures scolaires pour se relier à l'école ratée, et avec des
outils de bureau, sculpter des histoires imaginaires qui font des
trous métaphoriques dans la conscience. Une ambition pleine de
sucre. Sans les caries.
L'envisagement d'un
avenir plein de présents qui affolerait les foules, une révolution
qui ne se fait pas étouffer par des règles qui restent immuablement
identiques : percer, se faire connaître et quand t'es connu tu
peux percer des plus gros trous. L'envie de faire confiance au
premier venu à qui l'on demanderait d'observer un caillou jusqu'à
ce qu'il y trouve la porte. Et il aurait le droit de dessiner des
passages piétons avec des bonhommes dedans. En plus il pourrait
mettre des barrières où il veut pour délimiter le chantier rien
que pour faire chier les gros cubes.
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