vendredi 3 février 2023

103.Cuisine épée dans danse.

  J'ai fait lire une BD ancienne mienne à papa, il a pris le temps, un temps infini et concentré comme je ne le voyais jamais faire avant, à regarder, longuement, trèèès longuement, anormalement longuement même, les originaux de cette histoire foutraque aux rebondissements loufoques, personnages entre le cucurbite au bandeau et le Robinson abécédaire, qui pend dans mon esprit depuis plusieurs siècles telle une possible orientation de Comic dont vous êtes le héros, où je puisse exploser toutes les pistes drôles et inventives vitrées. Et il a dit, après m'être demandé ce qu'il avait bien pu voir dans son cerveau de brume aléatoire aux fulgurances lucides, combats de l'oreille interne : "Et ben, dis donc, c'est du boulot...". 
  En effet.
  Je me suis toujours demandé pourquoi n'ai-je pas plus tôt dans ma vie travaillé à Pilote ? Parce ça n'existait plus quand j'avais la légalité ? Sans doute. Sûrement. 
  J'aurais été bien jeune pour publier mes Routiers, personnages médiévaux (parce que ils marchent sur la route, voyez...) un peu fantastiques, que j'avais abandonné lâchement pour me mettre à la peinture et à la papsychanalyse (lapsus, le pa ayant été ajouté sans malice, intéressant, poursuivez...). Ces personnages furent du créatif barbare et expérimental, découpage de jeune adulte pas entamé, aventuriers de la case, montrés à la mauvaise personne que j'idolâtrais bêtement dans un festival BDiste passé dont la souvenance s'estompe en courge spaghetti autant que celle de mon vieux, imbécile que je fus de le prendre au sérieux quand on a 17 ans. Même si j'en avais 19. Inventés par frustration d'être seulement scénariste et me poussant au quoi pour apprendre à dessiner, ils furent ma première vraie création. 
  C'était un été où ma mère encore se reposait là où il le fallait mieux parce que ça n'allait pas trop. Livré à moi-même, j'inventais des trucs sans comprendre ce que je faisais. Le type du festoche, il avait démonté mon style et craché dans mes bottes en me conseillant de faire autre chose et j'avais tout mis à bas de dépit et de hargne, dessin de presse compris dans le package : j'étais un nul. Ce que c'est qu'écouter des idiots. Je l'étais sans doute aussi. 
  J'ai pas mis à bas longtemps, quand on m'énerve, je m'acharne. C'est pour ça que je vais réussir dans mes branches avant de devenir ramasse poussière d'étoile.
  Comme souvent dans mon jeune âge avancé de planète incertaine, obsessionnellement laminé à l'époque, accaparé d'angoisses par le père suscité me conseillant des boulots utiles fortement éloignés de mes envies pour aborder le monde par la face glue, menaçant et remenaçant de me laisser tomber vilain affreux pas beau, enfant mauvais et incapable, du haut de sa grosse retraite et de son patrimoine florissant, sans voir que je creusais ma tombe et mon sillon avec foi passion guimauve et confettis névrotiques dans l'espoir fol de tracer ma route à travers un milieu opaque dont les règles encore me semblent assez proches de la quête du badge en milieu scout... Comme souvent, donc, je baissais la garde face aux ambitieux et aux planificateurs, ma naïveté m'embarquant souvent dans un refus de voir qu'il faut davantage avoir confiance dans le flux de la rivière que dans les cons en canoës dessus.  
  Et les jours compliqués sans thune s'ajoutant aux jours, je suis allé consulter un doc généreux croyant dans la CMU car j'étais amoureux sans savoir comment aimer et désireux de monter des projets collectifs sans rien comprendre à la bataille des egos et à la diplomatie du ça va venir patience infinie est mère du sucès, c'est toujours lié à la création mes histoires.
  Depuis, je collectivise moins (mais me socialise mieux) et je repense à Spirou, au Canard et à quelques maisons d'éditions intéressantes et intéressées, qui pourraient mettre la main sur le pactole de la prochaine décennie si je suis vivant assez longtemps pour m'occuper de la chienne. Sauf si je reprends l'écriture et que je mise en scène sur une autre ligne éditoriale accessible d'une phrase qui se lit sans maux de crâne, il y a tant à faire dans tous les sens que je suis heureux de vivre seul dans ma grande maison sans bêtes avec enfin la fortune après un coup de pelle bien placé. 
  Ou alors, las de cet hiver en campagne, je pourrais épuiser mon temps dans un brouillard vaporeux rempli de lascives créatures ondulantes aux voiles colorées et aux wonderbras couleur peau qui viendraient me nourrir à la becquée en caressant mon menton adipeux pas beaucoup, et je dirais  soudain, réveillé par un grain de raison avalé de traviole : "mais oùske que j'ai foutu mon épée buveuse d'âmes pour me sortir de ce guêpier langoureux d'épreuve de 12 travaux d'Astérix à la noix (du Périgord) ?".
  Je repartirais du campement dévasté et sanglant, le campement pas moi, tel un gros Dark Davos vengeur de rien du tout et sans jetski, sans non plus me retourner dans mon plumard et sur le carnage perpétré, engageant ma mule sur un chemin caillouteux jaune étroit et western où le vent frais qui part de la gueule de la grotte hantée m'appelle et me rappelle à rajouter une laine sur mes bras gonflés de graisse mollassonne et de laisser-aller lié sans aucun doute à une porte de frigo qui ferme mal après des confinements décérébrants dans une lande désolée mais pas loin d'un Inter. 
  Je descendrais alors, avec l'élégance d'un hippoglouton, m'appuyant comme je peux sur Stormy, la lame maudite mille fois maudite, et je m'engagerais dans le boyau tel Legolas, Gimli et Aragorn, le trio gagnant de vos soirées mousses, en leur temps 2000 béni avant la trilogie de trop du gros hobbit joufflu, sans crainte de m'y coincer à la malfaçon du spéléologue maudit qui regrette la blanquette du midi, et je gueulerais dans la langue gutturale de mes ancêtres, approchante du chant d'amour du varan de komodo, pour qu'on m'entende quand même on ne sait jamais deux points ouvrez les Guillemette(s) (qu'elle était jolie et cultivée cette grande allumeuse à qui je donnais la becquée) : 
  - Arioch ! Arioch montre-toi ! Je sais que cette cavité est tienne ! J'y suis venu il y a cent ans ! Redonne-moi l'élégance passée, ramène-moi au pays des buildings d'albâtre et des rues de marbré chocolat, je te dédie mon passé et futur de boucherie charcuterie dans les abattoirs du quotidien, prends ma graisse et mon turban, je suis à toi tout entier par mes morceaux appétissants, découpe les en pointillés, joue de ma harpe enguirlandée de mes boyaux prêt à bander ! (à ce moment du récit, pardonnons le lyrisme un peu désordonné de l'auteur et écoutons si vous le voulez bien, chers petits amis, la cloche faire ding, tournons la page et soyons attentifs à la réponse du Dieu vengeur, reprenez une part de cake).
  Et une voix profonde et branchée sur des baffles en sourdine genre grosse saturée mais super loin très loin par là dessous, jaillira en geyser islandais : 
  - Elrik de Melnibornée ! Ta proposition ne me papille point ! Tu m'as ignoré tant de temps que je ne puis te tendre quoique ce soit, même pas un piège, je suis devenu trop faible, ma religion s'est étiolée et mon pouvoir avec, plus personne n'a entamé de chant massacre ou prière impie en mon nom depuis trop d'années, relis Les Petits Dieux aux éditions Atalante et en livre de poche aussi chez Pocket collection Fantasy, tu as massacré tes gens pour rien, je ne peux t'aider à retrouver la forme vu que j'ai perdu la mienne, il va falloir passer par la case running et régime, le nouveau programme de l'an qui vient sans tartines au beurre, sans bière au beurre, sans jambon beurre, et avec sans sel biscottes. Ta meilleure option est de commencer par lâcher ton arme ici, et partir en courant sans ta monture, je la retiendrais, elle m'aidera à voyager en pélerin colporteur de ma foi potentielle, et tu commenceras une vie de pénitent ascète, sans contrepèterie, et tu pourras vendre des encyclopédies balkaniques aux béotiens crédules sans followers constants. Je ne puis t'aider à reconstruire, reconquérir et rejoindre la cité aux cent tours et réveiller les dragons, qui font grève en ce moment à ce qu'on m'a dit.
  - Tu charries ou what ? 
  - Je charrie rien du tout, la planète terre, ronde comme une couille selon Axel Foley qui comme Indiana Jones aurait mieux fait de s'arrêter au 3, a pris la place galiléenne des Jeunes Royaumes ! Tu devras désormais dealer avec les Hommes, qui sont croyants en tout un tas de trucs techniques dont tu n'as pas idée. C'est de la magie avec des prises.
  - Mais, Arioch, tu dis n'importe quoi, je ne peux pas avoir changé de monde sans m'en être rendu compte, pour preuve, j'étais là et aucune porte temporelle ne s'est ouverte quand j'ai buté mon staff. 
  - Tu es un psychopathe et l'écriture fait ce qu'elle veut, j'ai d'ailleurs ressuscité tes gens, hop hop, comme ça, c'est la moindre des doses, je suis devenu chaotique bon en perdant ma clientèle, tu repars à zéro et donne-moi ta feuille d'aventure, on va relancer tes caractéristiques. 
  - Mais, maître... 
  - Y'a pas de mais maître. Là. On retire un personnage, tu t'appelles Haroun El Poussah et tu vis dans une cité joyeuse et le peuple t'aime tant. Sauf un. C'est ton vizir.
  - Une lessive ?
  - Une lavette. Mais heureux que tu es, ses mauvais tours se retournent la plupart du temps sur son passage et ne t'atteignent pas.
  - On passe pas dans trop de mondes à la fois dis ?
  - Le multivers est impénétrable. Pardonne à tes grands anciens et vis tes mondes futurs. Ils sont ton présent et tu as droit de les faire naître sans plus me célébrer ou t'enticher de références.
  - Y'a le petit chien qui ronfle, je fais quoi ?
  - C'est une chienne, il fait nuit, il est temps d'aller dormir. La journée de manifestation, mienne comprise, fut longue, va doucement dans le lit, réveille pas la chérie et fais dodo.
   - Merci maître. C'est un peu long comme post.