samedi 3 novembre 2018

69.Année Héroïque.

  L'envie, c'était de peindre en retrouvailles avec cette façon de laisser venir les figures. De trouver cette énergie de refaire des toiles, sans forcer, les fabriquer, les découper, les tendre sur des châssis montés au marteau en caoutchouc d'Amazonie, poser de la craie concassée liquide dessus pour rendre le support plus opaque et dur, mettre en avant cette faculté de superposer des couches d'acrylique, des couleurs qui se mélangent et des animaux qui surgissent.
  J'ai fait comme j'ai pu pour organiser l'événement, je ne sortais pas des masses dans les endroits où l'on doit se montrer, je continuais de regarder des collègues faire comme ils pouvaient aussi, mais pas partout, car sans voiture la vie ne va pas sur la rocade.
  J'ai minimisé les mails, j'ai pas eu très envie de faire le bourrin, même si j'ai un peu insisté gentil pour deux trois personnes dont j'aime la présence, c'est sans doute idiot de s'attacher à son historique Internet, mais j'aime les marque-pages. Je n'ai pas toujours été à bonne école, trouver sa façon est comme se retirer des rails lorsque le TGV radine.
  J'ai eu des leçons de conduite et réussi mon code. Je n'avais plus d'argent pour les leçons alors j'ai attendu de refaire des images.
J'ai donné à mes amis des signes de tension, et à des proches des explications sur comment j'étais où pourquoi, redonner le parcours et expliquer que ce pas à pas est pensé, senti, goûté et confiance. Et ce processus de transformation lit-quand-tropique nécessaire pour retrouver la foi dans le faire, dans le je fais ça et je fais d'autres choses mais c'est un tout et ça rassemble, ça veut relier, ça veut faire partie de Télérama, et en même temps de l'Aquarius, et de la forêt primaire qui n'existe plus que dans les livres.
  On ne m'a pas toujours cru parce qu'on se demandait ce que je foutais et pourquoi je ne mettais pas en place un traditionnel démarchage en galerie des glaces, ou un mi-temps en atelier arts plastiques, et j'ai sans doute parfois mal expliqué cette pensée que j'attendais le bon moment où tout serait clair, où il n'y aurait plus d'efforts, juste un flux de création dans le flux de la vie, avec acceptation des contradictions inhérentes au quotidien, écrire un roman, faire la vaisselle.
  Et puis le passage du je n'y crois plus parce que déjà mort à j'y crois mieux parce que mort-vivant.
  Je savais intérieurement que tout se relierait à un instant t. Et je savais que c'était bullshit et que l'instant n'existe que dans le moment où l'on accepte tous les instants comme des instants t. Avec des siestes.
  J'ai aimé les gaufres au miel.
  Le parcours de dix ans et demi d'atelier (bientôt) avec vitrine sur la rue m'a demandé beaucoup de réflexion, même dans une maison sans soleil. C'était pas tout de suite mon lieu, et il a fallu l'apprivoiser, puis le laisser diriger, sentir les murs avoir des oreilles, nettoyer devant aussi, souvent parce que sinon le temps qu'un balai de la mairie passe, les rats ont le temps de construire une cathédrale. Je n'ai pas voulu devenir commerçant mais j'ai appris les ficelles, les baguettes et les bâtards.
  Au début, devant, en juin 2007, il y avait des poubelles. Puis c'est devenu une place de voiture où parfois les gros camions du cinéma fermaient totalement la grotte, et tu as beau demander gentiment d'intervertir avec la Kangoo du catring, on te regarde comme un étron flottant dans le grand bassin, un soir de juillet, quand il a fait si chaud et qu'on doit évacuer trois heures pour nettoyer alors que la fermeture est dans deux.
  Le rangement du lieu fut une odyssée.
  C'est difficile de rendre une exposition attractive et dire combien ça circule. Que j'ai peint tout en même temps et que les toiles se sont accrochées presque toutes seules aux bons endroits.
  Maintenant j'ai l'histoire. Je peux faire voyager. Et c'est aussi intéressant que dans un musée ou avec des professionnels de l'installation qui ont le diplôme ou les concours pour dire qu'ils sont capables.
  Je rencontre encore aujourd'hui des gens qui sont totalement lucides et bons, aussi doués pour bien voir que les curateurs les mieux payés. Ils m'aident à faire sortir les mots. C'est l’électricité des âmes.
  J'aime l'atelier parce que c'est direct, c'est n'importe qui, c'est tous les publics. J'ai eu tous les publics.
  J'ai mal accueilli bien sûr, parfois, j'ai merdé (pas sur cette expo, je parle d'avant, hein, du moins j'espère...) pas réveillé, au téléphone, pas assez souple, prétentieux un peu, cynique pas beaucoup mais c'est arrivé. J'ai pas vendu alors qu'il aurait fallu, parfois, cela m'aurait permis plus tôt de m'installer à Bruxelles, ou de louer la place des Quinconces pour inviter mes copains britanniques qui font des concerts géants expérimentaux avec des bruits de la galaxie en sourdine. Mais je ne peux pas toujours tout gérer, c'est trop de connerie que de penser qu'on gère. D'accord il y a des règles de base pour l'intendance, mais face à une fuite d'eau, l'homme est une cascade.
  Et j'ai beaucoup beaucoup changé, je pourrais faire un discours avec ça dans un théâtre, avant la présidentielle, pour être intronisé par la droite que j'aurais ravagé de thématiques haineuses pour brasser large et diviser mon pays et mes hérissons plats.
  C'est peut-être pour ça que j'ai envie que des gens viennent (sur rendez-vous à partir de lundi 5 et jusqu'à samedi prochain parce que après va falloir s'y remettre les copains). Pour donner cette circulation sans m'étendre. Donner la carte. C'est harassant de chercher la pureté et d'être pris pour un gros naïf, ce que je suis encore tout de même un peu, ça conserve, la foi est un système qui repose sur la croyance du ça va marcher.
  Je n'oublie pas mes promesses faites aux officines et autres cabinets noirs de l'entre-deux mer. Je voudrais revoir les ceux qui sont pas loin et les amener à reconsidérer le parcours, j'ai un mot du médecin, et revenir à cet instant expositionnel et fabriquer une équipe qui va vers le sauvetage de l'humanité et du tapis permanent de mégots sur le trottoir aux tessons verts et blancs que les vélos abhorrent.
  Je comprends pas comment j'ai pu croire un instant que je ne réussirais pas à ressortir ce qui fait que je suis unique et totalement prêt pour donner au monde de ma rue de ma ville, une fantaisie nécessaire toute en courbe, traversée par toutes les expériences et fantastiques rencontres banales d'un ballet de passants qui nourrissent mon quotidien. Avec des siestes.

vendredi 26 octobre 2018

68.Guêtres ou ne pas.

  Dans cette forêt de pins sans oiseaux, car les oiseaux ne fréquentent pas beaucoup les résinés, j'étais sur le chemin qui monte aux cabanes en forme de tentes. Des toits en bois pentus posés sur un parquet déjà grignoté de partout. Je l'ai vu arriver de loin, le vent n'était pas dans mon sens, je veux dire de moi à lui. J'ai fait freeze.
  Il s'est approché sans me voir, j'avais des vêtements couleur arbres, mais pas de fusil. Et il est passé à deux mètres. C'était gros. Très gros. Même que je me suis dit que si je racontais ça un jour, ce serait tellement gros qu'on ne me croirait pas. 
  Je ne sais pas comment il a fait pour ne pas me voir. J'étais au milieu du chemin, ultra visible, mais totalement je bouge plus, je respire plus, je pète plus.
  C'est passé. Tranquilou. M'ignorant comme un chien peut ignorer avec classe un promeneur qu'il a décidé d'accompagner sans lui jeter un regard, mais l'accompagnant quand même.
  Je crois qu'après son passage, j'ai dû ne pas bouger encore cinq minutes avec des fourmis dans les jambes et du lierre qui commençait à pousser sur mes bottes. Puis ça a fait plop, comme un sort filet à saucisson qui se défait parce qu'un copain a lancé une canette de liquide gazeux bon à nettoyer les toilettes et dérouiller les clous sur ton front moite.
  C'est à moi que c'est arrivé, à moi. Ce n'était pas un coin de forêt sauvage loin des habitations, et j'ai pensé qu'on prenait beaucoup de place. Je me suis assis à croupetons et j'ai tremblé comme un tapir.

mardi 23 octobre 2018

67.Bibi si.

  Certains sont surpris, d'autres moins. En trois années de lumière fugace et de doutes au sirop, j'ai un peu travaillé et pas mal réfléchi. Il me reste quelques activités en route qui prennent le chemin du goudron et des plumes. J'ai envie de m'activer. Soutenu par les fils invisibles des Parques Astérix.
  Pourquoi trois années me diras-tu (?), parce que c'est la première exposition à l'atelier depuis février 2015, qui n'était pas à l'atelier, d'ailleurs. J'ai lâché quelques caisses hors du paquebot, depuis. 
  Je ne comprends toujours pas de quelle façon aborder l'Aquitain (celui d'avant la Nouvelle) et que je sens venir la vague au dessus de ma tête, suspendue avec le requin, le surfeur, le plastique et la planche. Je regarde ça comme un môme devant l'aquarium gigantesque où le otaries te font des gestes obscènes sans que tu t'en rendes compte parce que t'as pas la langue. J'ai envoyé des mayles, mais pas à mes 1200 contacts, que je ne connais pas pour la plupart. J'ai fait une sélection. Sans beaucoup peaufiner, l'important c'était d'encourager une cinquantaine de gens qui n'ont sans doute pas vu que j'étais toujours vivant.
  Alors quoi, maintenant ? Travail sous rhume, envie de soleil chaud dans le salon de jour, des histoires simples avec gros chat sur la couverture qui empêche de bouger sinon il grogne, mais ne griffe pas.
  Et ton récit ? Il avance car j'ai lu, beaucoup de romans jeunesse. C'est la vidéo numéro 49. Attends tu vas trop vite. Cette semaine j'ai envie de me faire croire que maintenant ça va marcher. Les gens qui m’achètent des trucs sont des gens qui m'aiment bien. Qui croivent en moi. Bruxelles ou Mulhouse ? Paris c'est trop grand. J'ai pas de vieille tante excentrique qui possède un immeuble à squatter sans angoisse d'un débarquement de casques noirs.
  Alors quoi maintenant ?
  Les graphismes sûrs, les livres jeunesse ? D'où je remonte, je sais pas trop. La chanson ? Ah ben oui, j'ai dit que j'y reviendrais. En campagne alors. Par quel bout je dis ? Bouge dis. Bouh jeudi.
  Je parle plus trop, sinon je disperse. Là d'abord c'était de faire une exposition de peinture pour me souvenir que je faisais de la peinture. 
  Au début, il y a dix ans d'atelier. Onze presque si je mets juin 2007 dans la balance. Alors 2015 les claques, le je comprends mieux le parcours et la façon de dire, et puis 2016, et puis 2017. Pourquoi j'ai pas peur du temps qui passe. Parce que je suis réuni avec des têtes d'animaux.
  Emmitouflé, j'étouffais trempé et je voyais comme dans je ne sais plus le nom de la BD avec des mayas dedans, ou des aztèques, et les Dieux Incas volaient autour en frimant pour faire peur à celui qui profanait les sépultures. Je me réveille dans la facture d'électricité et je me demande si l'eau est chaude ou si j'ai oublié de remonter le bitoniau qui lance le chauffe-eau. Je me lève, je sors les draps et je m'essuie partout parce que je suis une sorte de plante carnivore qui digère une mouche obèse. J'avance à tâtons, je me prends la porte qui donne sur la chambre, enfin l'autre chambre, et je me recouche aussi sec, mais toujours humide. Il y a des pistes que je suis n'importe comment, en tentant de mettre à plat mes journées sans me faire avoir par la digestion des nouilles à la Harissa.
  C'était important de repeindre. Je me suis dit je pourrais fabriquer le carnet des dessins dans tous les sens de cet été. Mais est-ce que c'est la véritable vraie bonne piste ou je refuse encore de mettre en place ma série télé avec des marionnettes et des humains ?
  Et tes albums jeunesse ? Et ton livre ?
  Je voudrais être un anglais au milieu d'un groupe de potes dans les années 70, et parler avec l'accent indien dans un sketch de cosmonautes qui vont sur une planète inconnue en sous-pulls moulants.

vendredi 18 mai 2018

66.Folio Benjamin.

  Béni soit Benjamin Chaminade, australo pis tech (c'est un bon manutentionnaire) mon cher cousin côté maternel, qui sait poser les bonnes bombes là où ça fait sens. N'allez pas le prendre pour un terroriste, il ne sait pas, à ma connaissance, jouer du saxophone.
  En m'injonctant (du verbe injoncter) l'idée, non négligeable de sortir de ma cave (qui est au rez-de chaussée et qui donne sur la rue, quand même) il tape dans le mille et fait un score que même un dauphin ne pourrait réussir au flipper. Il me propose, avec parcimonie et possibilité de refus contre lettre recommandée en double exemplaire, d'être surprenant, de sortir un peu de mes lignes bafouilleuses (j'extrapole, hein...) et promener mes jambes ailleurs avec la caméra.
  Merci de me motiver pour quelque chose, je suis déjà très occupé, mais nous allons tenter de faire le tour de la question à cloche-pied afin de rester amis, lointains certes, et cousins, indubitablement.
  De cet iconoclaste furtif (les cousins sont souvent furtifs), je garde plusieurs images d'enfance heureuse et bondissante dans son manoir fermier du Gers (nous venons d'un haut-lignage EDF) loin d'ici, pendant les vacances, je ne sais plus lesquelles, quand j'étais moins grand, avant la débâcle de nos deux familles respectives, chacun sa merde.
  Chez lui, dans les années 30, les nuits furent redoutables. Car si, par un malheureux malheur, l'envie nous prenait de faire pipi ou autre chose, et si, par un hasardeux hasard, le pot de chambre était ailleurs ou occupé, nous devions nous rendre, parfois seul, avec une lampe tempête vacillante, allumée au silex et remplie de combustibles incertains et malodorants, jusque dans la dangereuse toilette à fosse septique où les araignées nous attendaient dans l'ombre de l'ampoule clignotante, après avoir traversé sous la pluie battante un interminable champ de boue et de ruines et de loups, (c'était l'hiver et le Général Custer avait encore perdu des hommes face aux indiens en plastique de la Foirfouille, où tu trouves de tout si t'es malin, il y a plein de bonnes affaiiires) pour arriver échevelé livide à la porte blanche de peinture écaillée, ouverte en haut et en bas, laissant passer le vent de l'enfer de la mort de la peur, et qui claque claque claque des dents, tu m'attends j'ai pas fini, tu m'attends, tu m'atteeeeends, maiiiiis, j'ai pas finiiiiii.
  Plus tard, en vieillissant, comme tout le monde, on piquait des Lui ou des Playboys à son père, mon oncle, pour voir des nichons avant Internet. La maison avait changé, transformée en immense salle de jeux de Noël avec des trains électriques pas en grève et sans lutte sociale où l'on regardait la télé en mangeant des papillotes à pétards sur les assiettes retournées. Le soir, dans les piaules (où cette fois il y avait des toilettes accessibles loin des fantômes de la cour) tout au bout du bâtiment qui était un peu le quartier des enfants, on avait le droit de veiller en lisant le guide des Castors-juniors devant les grands papiers-peints de New-York, ou d'une autre ville à buildings, et l'on épluchait le grand livre des blagues RTL en se poilant jusqu'à plus d'heure malgré les couvre-feux des adultes alcooliques.
  Après ça, il a fallu grandir, voir et comprendre, un peu dans le désordre, ce que je foutais sur terre, pourquoi j'étais dans ce milieu là de où je ne sais plus trop si j'en fais partie d'un, et comment convaincre, et me convaincre de mon bon droit d'être, alors que la question ne devrait même pas se poser, mais que faire quand 1800 gendarmes débarquent chez toi pour t'expliquer que ta cabane est pas aux normes et qu'il va falloir te régulariser et fissa si tu veux pas qu'on te marave la face à coups de lacrymo et de tonfa et tu réponds en lançant des cocktails que Tom Cruise ne voudrait pas dans son église, au lieu de ployer comme un bon citoyen qui vote extrême-droite en pensant que ça va lutter plus facilement contre le réchauffement climatique, c'est la faute aux gens qui nous envahissent si les oiseaux, les singes, les globicéphales à la hache, les insectes, les abeilles et les hommes politiques de gauche meurent dans l'indifférence générale. Comme dirait Francis-Jacques Brel dans sa chanson engagé dans les bois espagnols sur Henri David Taureau : Est-ce que ce monde est sérieux ?

  En février 2016, après Mirepoix Socialize (les dates sont pas raccords sur Youtube parce que une fois j'ai effacé tout, et pis j'ai remis) j'ai tenté de faire des vidéos avec mon appareil photo pourri qui n'est même pas à moi mais à ma copine, et qui est tombé l'été dernier sur le dur carrelage rouge de la maison du sud aux fenêtres vibrantes donnant sur les camions, et qui déconne quand on le bouge trop, et qui prend l'humidité et fait crrr après si je vais dans la nature avec.
  J'ai trouvé le petit logiciel pas compliqué pour couper les images, et je me suis dit ça va m'aider vu que j'arrive plus.
  Et progressivement comme à mon habitude, j'ai bifurqué. D'un truc où je voulais faire sérieux avec une idée de montrer mes travaux, j'ai fait l'andouille, parce que c'est un peu ma nature, et que rire de soi me permet de ne pas me suicider tous les deux jours. Même si certaines personnes ne comprennent rien à cet humour-ci. car c'en est un, si ?
  Pourquoi se dépeindre comme un être perplexe qui ne réussit pas grand chose et qui semble tourner en rond et rond, est-ce bien moi, est-ce ma vie quotidienne d'atelier-bus-maison, maison-bus-atelier-Biocoop-atelier-librairie-atelier-bibliothèque-atelier ? Oui et non.
  En 2015, j'ai vécu deux moments qui m'ont clairement fait comprendre que ça n'allait pas dans le sens de la marche (références nécessaires). Déjà. J'ai voulu questionner ma méthode et faire un PLAN, encore un, pour pas-à-pas retrouver le pourquoi de comment j'ai pas su faire ce que je voulais vraiment faire, et même que je suis pas certain que ce soit ça. Tout l'intérêt de ma vie se résume dans mon doute total face à l'essence. Je pourrais sans aucun doute devenir un nuage flottant et me laisser porter par des sangliers radioactifs sur des stations d'info en continu, mais j'hésite.
  Ma (dé)formation Beaux-Arts de 1996 à 2000, parce que je ne savais pas bien quoi faire on m'avait dit va voir, m'a appris que l'on peut très bien fabriquer des choses inutiles et pas vendeuses qui peuvent être belles dans la tête mais pas dans le portefeuille. J'étais pas en design. Et je voulais pourtant continuer de croire que la peinture est possible comme un autre monde tout ça. Le plastique c'est fantastique.
  Des années et des années et des des années et des années à ne pas savoir comment parler, à se prendre des vents dans sa ville, à retomber sur les pas de l'argent qui vient de temps en temps quand je me souviens comment ça marche, mais l'expo à suivre approche promis, ont tanné mon cuir de veau, et j'ai un temps cru que provoquer les choses pouvaient être ma voie. C'est ce qu'il y a d'écrit dans les guides. Pas attentiste non plus, juste heureux de faire ce que je fais un peu chelou bizarre mais pas trop.
  Aujourd'hui je fais à manger pour ma moité de baleine et je prépare plein de trucs en secret j'y crois je me le fais croire je veux y croire, en concentrant mon attention sur l'envie de défendre une manière de faire à côté, mais là, loin des guerres, proche des cailloux où coule un ruisseau frais de marmotte. J'ai pigé que mon inspiration grossit quand je parle d'autre chose, dés que je m'implique trop, que j'explique ma mère ou que je justifie ma race, mon cerveau bugue, et Le Bugue c'est pas loin des Eyzies.
  Les souvenirs d'enfance modifiés par les trous de ver, le goût des nénuphars envahissant la nage, la défense de l'écosystème de proximité, la chasse aux mégôts sauvages qui finiront tous, à la mer si tu n'y prends pas gare de Sète, le ramassage scolaire des crottes de chien, le nettoyage au vinaigre blanc de ma cuisinière au gaz russe, les odeurs des ruelles sous des flots d'eau de riz bouilli pour faire passer l'effluve, le brossage de la vitrine à la paille, les portes qui couinent et tapent du battant intérieur et qu'on bloque avec une vis encordée pour éviter les claquements, la vaisselle à la main (et la hampe merveilleuse), les flatteries aux chevaux et une pomme de temps en temps, et les gens, tous ces gens qui font mes yeux dans la soupe. 
  En rendre compte, cher cousin, trop précisément par des images qui bougent, il me faudrait une neuve caméra.
  Pour envoyer vos dons, appuyez sur inaccessible étoile.

lundi 16 avril 2018

65.968.

  Organiser ma tête en compartiments non fumeurs de brainstroming coworkés, c'est ce que je fais depuis des mois pour arriver brillamment au résultat du jour qui vient, le bonheur de retrouver intact son absence de confiance magistrale pour en faire une alliée en haut du toboggan géant de Poissonland. 
  Et si personne n'est derrière moi pour hurler vas-yyyyy, vas-yyyyy, ouaaiiiiiiis, champion du moooonde, je m'auto-motive tout de même à glisser mollement de ci de là, en tentant avec élégance d'éviter les écueils bretons. Et non pas les écureuils parisiens. C'est pas la même chose.
  Un écureuil c'est petit, souvent roux, et pourtant jamais ostracisé par ses congénères, et relativement mignon, et parfois même dans la poche d'un groom. Enfin mignon tant qu'on ne lui pique pas de noisettes. Car les dents de l'écureuil sont aussi dangereuses que celle du requin. Ainsi, le dicton ne dit-il pas : Requin au guichet, écureuil est ton banquier. 
  J'ai toujours un slogan plié en quatre dans la poche avant de ma veste de luxe, bien cintrée comme un agent secret, surtout pour mes soirées chez l'ambassadeur à l'huile de palme. D'ailleurs, La banque d'un monde qui meurt, est mon favori.
  Mais je baguenaude dans tes pâturages, et au prix de l'intervention, je me dis qu'on aurait pu éviter à quelques vieux de filer trente balles par mois à l'État en échange de petits pots de beurre de noisettes. Après j'ai pas tous les chiffres.
  Des BD(s), des histoires, des chansons, du dessin. Rien que du naturel. J'ai fouillé dans mes caisses, grandes trouvailles, et il ne manque plus qu'à s'y mettre. L'exercice est de taille, car il me reste peu de temps avant que ces sympathiques visiteurs de l'outrespace m’emmènent avec eux dans leur cargo colonisateur-zoo camouflé en joli village nuage pour une galaxie lointaine très lointaine. Le deal est clair, si je ne finis pas mon récit avant le, je sais pas je dois regarder le calendrier mais vu qu'on est le 7 sur 60 ça fait gnnnnn, à peu prêt, alors je serais dans le rouge et bon pour un aller Terre-Bételgeuse sans frais. Ça a toujours plus de classe qu'un Bordeaux-Ajaccio, et à défaut de bronzer dans le maquis, je verrais plusieurs soleils. Ils veulent étudier le spécimen et apprendre à leur peuple les codes narratifs de mes narutos. J'ai été choisi (choozen) il paraîtrait. Je ne sais pas si j'aurais le temps de manifester.
  Dans la création, tout vient de loin, il faut avoir vécu et passer son cerveau au rayon transformateur anti-puces pour assumer ses choix. Je chasse mon spleen sans vin, je redouble et retriple ma classe américaine, qui si elle est modeste (car les vêtements se collectent souvent au dessus des nids de quoi, non juste des poubelles, depuis que je sais que tout vient du Mexique, je préfère la chine) n'en est pas moins sincère, et belle, et bleue.
  Je me suis scindé en multiples depuis trop d'années nouvelles pour lâcher l'affaire et cracher le morceau, ils verront, ils verront, ils verront de quel bois je me vêts. La chauffe on repassera quand la bergerie sera remontée.

  Ce matin en allant à Super You pour acheter des céréales au chocolat bio spéciales du Mexique aussi, ah tiens, j'ai croisé deux sacs de couchage sur le rebord du trottoir. Quelques cinq minutes plus tard à la caisse derrière moi, la punquette d'un des sacs, qui sentait le fromage de bique, est venue chercher une bière grand format pour son petit-déjeuner des champions, avec quarante trois pièces de cinq centimes, désolé j'ai un peu de monnaie. 
  Parmi l'équipe de winners, il y a celui-qui vient à l'auto-école en salle de code et qui s'endort toujours après la dixième question et qui fait peur aux petites, même s'il ne mordrait pas un chat roumain. Un des moniteurs m'a dit qu'on le ferait souffler dans le ballon s'il prend des leçons de conduite. Je reste en colère. 
  Si les riverains et commerçants de tous poils de loups-garous ne pétitionnaient pas contre chaque initiative de maison de quartier pour paumés, si les douches publiques n'avaient pas fermé, en serait-on encore là ? Initiatives et start-up en vagues notions. Je sais que mes énervements se mélangent, que des choses sont mises en place, mais pourquoi ces fossés. Aujourd'hui. Mis à part des irréductibles fous, qui aime à dormir dehors et se saouler maladivement pour oublier la zone ? Confiance en soi je vous dis. Société complexe à multiplexes sans couchages.
  2500 gendarmes à NDDL contre 250 poilus. 300 à 400 000 balles la journée en comptant véhicules, lacrymos et autres pétards mouillés. Mobilisation sur trois semaines minimum. Est-ce que le président qui a presque mon âge a t-il, petit, vu un des 968 épisodes de l'île aux enfants ? Si Casimir s'alliait avec les tortues Ninja pour libérer les grenouilles chantantes, arriverions-nous à dégoupiller un Love is All généralisé sans une nouvelle drogue à moustique pour disperser les beatniks ?
  Middle-class, ça fait chier...

jeudi 12 avril 2018

64.En en.

  Après, n'allez pas me taxer de racisme anti-vieux, tout le monde a ses problèmes, et puis la vieillesse, c'est dans la tête. Et dans les genoux aussi un peu. Et moi-même, j'espère un jour y arriver. Je ne mets pas tous mes crabes dans le même panier, n'allez pas me faire critiquer n'importe quoi par n'importe qui. J'ai même souvent des sursauts d'humanité qui me font croire que les gens qui nous gouvernent connaissent la réalité des gouvernés. Ces malades du travail ne comprennent pas qu'on puisse ne pas en faire une (en foutre serait plus poli). Not to do a bloody thing me dit-on dans l'oreillette. En faire une quoi, c'est ce que je me demande.
  J'ai des vieux que j'aime et qui sentent bon. Je les mets dans des pots de fleurs et je les arrose deux fois par semaine, orientés sud-ouest.
  Même ma famille, dont je n'ai souvent parlé que généralement, en gros, critiquant des groupes vagues pour ne pas aller en procès, j'en cause en inventant, en en rajoutant une couche. Écrire est un travail de fiction. 
  Même en mettant le plus de ton talent et de ton temps sans revenus, tu n'arriveras pas à montrer ce qui est du réel de l'instant. C'est de l'écrit, car tous, nous voyons les événements, chaque événement, d'un autre œil, d'un œil différent quoi, chacun sa façon. Même si, on est influencé, par tout ce que l'on lit, par les journalistes, par les manières de dire pour qu'on se comprenne, et c'est pas simple de s'en tirer son épingle du jeu. 
  Penser pas pareil n'est pas le pas pareil qu'on veut nous faire croire, sans virer complotiste. Je me comprends, mais pas toujours et c'est une méga chance. Dinosaure prend un P comme dans chamois.
  C'est que, comme tout créateur inspiré qui se respecte ça dépend des jours, je fabrique avec ma bile enfouie et mon inconscient au galop. J'ai eu la chance de transformer ces tréfonds en gredinerie sympathique, car j'ai bien compris que je n'étais pas taillé pour la colère, et que je ne connais pas encore assez de prises de Jiu-Jitsu avec hache à deux mains pour te mettre ta branlée sans y perdre une dent.
  Je suis nul en actualité.
  Nul et renul. Je ne saisis pas le moindre broc de ce qu'on me propose, car je recoupe bizarrement les choses. Mon esprit est un zèbre acculé par un guépard, une idée vient, hop, a'pu l'idée. Pa'ti. Et remplacée par une plus bizarre. Parfois. Je me demande comment marche cette frustration magique. C'est comme sur Facebook, tu fais gentiment défiler les affreuses nouvelles des affreux humains et pis soudain, tu as une image/concert/news d'un sujet sympa heureux que tu te dis qu'il est pour toi, tu veux cliquer et hop, ça disparaît. Tu scrolles mais c'est pu là. Soit c'est le diable, soit c'est technique. Et je ne crois pas au diable. 
  J'ai espoir de devenir badass et de recouvrer le pouvoir du crâne ancestral. Même si ça m'avait toujours intrigué cette histoire de crâne, si ça se trouve c'est Skeletor le crâne ancestral, et Musclor est même pas au courant. Les méchants sont vilains, et ils se demandent parfois pourquoi ils perdent toujours à la fin, caraufond'eux, le désir de partager la franche camaraderie et les joies simples des gentils qui sauvent le monde, point (de poindre).
  Si les gens ne réagissaient plus à l'actualité, peut-être on s’intéresserait à soi et à la sauvegarde des zones humides, des oiseaux, des rivières, et de tous les espaces de glande et de promenade encore disponibles. Méditer sans médire. C'est moins marrant. La joie d'avoir des ennemis est importante, et puis quand on me klaxonne dessus parce que je baille aux corneilles, j'envisage souvent d'avoir une épée (cette fois) à deux mains (aussi) pour fendre le capot du 4x4 incongru. Hybride ta mère.
  Plus de manifs, plus de contestations, nous serions esclaves des taxes toujours plus fortes, des règles toujours plus strictes, des interdits toujours plus fous, et l'on respirerait mal en riant sous cape, car contrairement à ceux qui nous tueraient à petit feu et bousilleraient l'environnement au nom du libre échange et des lobbys qui vendent des produits maudits, nous serions conscient et heureux. Prêts pour adhérer à l'église de quelque chose en suicide de masse. Et à la fin tout le monde se relève et on va goûter dans le salon.

mercredi 11 avril 2018

63.Le recul des côtes.

  J'ai toujours préféré être sur scène. Sur scène, pendant le spectacle, on peut être debout, on peut se déplacer. La situation de spectateur m'a toujours semblé inconfortable. On est mal assis, spécialement quand on a des grandes jambes, et on doit respirer le même air que ceux qui nous entourent. Ai-je fait de mauvaises choses dans mes vies passées pour trop souvent me retrouver à côté de vieux en train de mourir ou de digérer des rognons de veau à l'ail arrosé de vin transgénique après une mauvaise nuit de sommeil et une digestion qui se terminera, définitivement, dans deux jours ?
  Je suis un mauvais spectateur. Je l'ai sûrement déjà dit quelque part là-dessous, l'école me défonçait littéralement les neurones, rester assis à écouter benoitement, sans participation possible, dans des classes de 35 minimum, je m'ennuyais fabuleusement, et j'y suis pourtant resté jusqu'à mes 19 ans, étude sociologique avant l'heure. L'éducation catholique, l'absence d'initiative, la difficulté de prendre en main les choses, éduqué à avoir peur de la nouveauté, le respect des conventions. Tout ça pour rater son bac deux fois parce que la philo était coef 5 et que j'avais pas lu Kant, Seigneur. Je dis pas mal Seigneur, avec majuscule, oui, ces derniers temps. Je ne suis pourtant pas croyant. Je vieillis, mais je ne mange toujours pas de rognons de veau. 
  Toute ma vie souffre d'un avantage olfactif trop développé qui aurait pu me faire devenir grand œnologue, si seulement je n'avais pas eu une sainte (encore l'éducation) horreur des pesticides dans mes cheveux, mais mes cousins de Paris n'ont pas donné de nouvelles depuis la dune du Pyla. 
  C'était un repas de Pâques sur le bassin, long, gris, poliment ennuyeux, j'étais encore trentenaire, je faisais des efforts, et la voiture qui devait les amener vers la dune ne pouvait contenir que cinq personnes, et mon oncle (propriétaire et usager dudit véhicule) avait bien dit que, non non, on ne peut pas t'assoir dans le coffre, à ton âge (c'était un utilitaire avec coffre donnant sur paysage) tu comprends Jean-Martial, c'est interdit, et tu n'es pas un chien, des gendarmes peuvent surgir de n'importe où, à n'importe quel moment, et je ne peux pas me permettre de. 
  C'est vrai, c'est louable, ça se défend, c'était raisonnable, il fallait accepter et comprendre. Une place en trop, c'est pas rigolo.
  Alors mes cousins, en m'ignorant joyeusement, sont allés à la dune du Pyla, et moi je suis resté avec les vieux à attendre mon bus pour rentrer tout seul à Bordeaux. Et je me suis rappelé de plein de moments d'infantilisation similaires. Et j'ai compris qu'après un concert des Rois de la plage, il ne faut jamais jamais jamais aller dans sa famille manger. Parce que la famille c'est le contraire d'un public qui t'aime, ce sont des putains de règles tissées bien avant toi qui te rappellent que Danemark est une prison, et que pour dénouer ces liens là, il faudrait qu'on fume de la beuh et qu'on rigole un bon coup, réunis, avec des têtes d'animaux. Les âges s'oublieraient, la fraternité reviendrait, et on reprendrait de la glace à la vanille avec le gâteau au citron sans réfléchir à savoir s'il faut en laisser pour quelqu'un.
  Plus tard, alors que je passais chez mes cousins de Paris (sans mes cousins de Paris) pour saluer je sais plus qui qui allait mourir, j'ai vu, accroché au mur de la table de travail de mon oncle, les photos de tous mes cousins en train de faire les fous sur la dune, en cette fameuse journée où j'aurais pu moi aussi apparaître sur les photos et où ils sont partis quand même. Et le démon mange social tord mes boyaux et une lueur verte passe dans mes yeux. Je me vengerais.
  Je n'irais pas jusqu'à les pendre par les pieds (la corde se consumerait lentement, brûlée par une implacable bougie) au dessus d'une fosse à scorpions, avec écrit au sol, souviens-toi de la dune du Pyla, j'ai la vengeance modeste. Je vais juste réussir et être très connu et très riche et quand ils auront de nouveau envie de me voir et de partager ma célébrité parisienne, je leur enverrais une carte postale de la dune pour m'excuser de ne pas pouvoir les voir, avec une petite poche de sable et un porte clef avec une voiture utilitaire.

  Aujourd'hui, j'ai vu l'île au chiens de Wes Anderson, qui me donne toujours du courage et c'est important. À côté de moi, il y avait un vieux. D'instinct je me suis dit, ne te mets pas à côté, ce vieux semble sur le point de se liquéfier Et puis j'ai voulu passer outre mes aprioris, il y a des vieux qui font gaffe à ce qu'ils mangent. Ma gentillesse sociale compassionnelle de boy-scout transgénérationnel me perdra. L'éducation, toujours. On arrête pas un chewing-gum qui marche.
  Le vieux a ronflé plusieurs fois dans des moments d'apnée de deux à trois secondes, et à chaque exhalaison, j'avais envie de lui mettre un cocktail molotov dans la bouche et d'allumer la mèche, puis de le pousser sur un truc à roulette face à des CRS (pardon, des gendarmes) venus piétiner des salades et botter le cul des ânes. On ne fait jamais assez attention à ce qu'on mange et à son hygiène dentaire. 
  J'ai passé le film mon foulard sur le nez, comme ça parlait de l'île poubelle on peut dire que j'étais dans l'ambiance. 
  Le livre avance, la vidéo 32 approche, mon permis j'ai un peu lâché, mais j'y retourne. Avec une voiture j'aurais pu y aller à la dune du Pyla, j'en aurais pas fait tout un post.

vendredi 16 mars 2018

62.Méga Ouate

  La professeur de clown m'a dit que j'étais un coton de nuage. cela devait faire dix ans que je n'avais pas reçu un tel compliment. Même si je ne sais pas bien ce que ça signifie. Il faut la comprendre, elle est Chilienne. Ces gens là ne sont pas comme nous. Je signe où ? 
  Il m'en faut peu pour m'envoler, j'aime tout particulièrement les corbeaux. C'est un oiseau qui est à l'honneur dans mes toiles, l'as-tu vu ? il est marrant le corbeau, il fait semblant d'être blessé en vol, il choure des trucs, il mange des yeux. La totale poilade. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu un beau champ de bataille à l'ancienne. Le cinéma nous aide à entretenir la belle mémoire des massacres inutiles d'hier qui nous aident à comprendre les ceux inutiles d'aujourd'hui. Pourquoi se taper dessus sinon pour un territoire ?
  Je reviens à l'idée du comment je vais faire pour mon livre série marionnettes spectacle de chansons album jeunesse et BD. Pour te dire que c'est possible à partir du moment où tu y crois. Si si. Il faut une totale folie, une endurance à toute épreuve, et une faculté à se boucher les oreilles face aux incrédules. On me dit c'est un peu tard pour engager quelque chose sans réseau, dans ces matières incertaines qui ne dépendent que de toi et de ta foi dans le retour du printemps sans abeilles. Ils veulent surtout remplir la jauge, ou vendre les albums, l'artistique, ils s'en tapent. 
  Oui, c'est vrai. Pour la plupart c'est vrai. C'est comme l'image qu'on te colle sur la tronche en te donnant une identité secrète, enfin secrète pour toi, lui il est comme ci ou comme ça. Ou alors tu n'es rien du tout et tu n'existes pas encore, tu es le mec sympa qui sourit et qu'on invite pas à des trucs gratuits.
  Ta copine n'aime pas tes vidéos de la semaine, tes rendez-vous s'annulent et tout le monde autour de toi s'inquiète. Enfin tout le petit monde parce que y'a pas foule. De quelle réincarnation de fossiles suis-je issue ?
  J'aime communiquer, appeler, m'amuser, partager, mais les adultes sont là, à flairer, à dire, à médire, à ergoter, à tourner autour, à gratter ton dos et d'une serre aiguisée te suspendre à un clou pour examiner la bête. On te flaire, on se dit, mais que fait-il, mais qui est-il ? Ou on ne te dit rien, on t'oublie et on ferme la lumière, c'est pas mieux. Alors tu lèves les bras et tu te laisses doucement glisser au sol, laisser ton pull en l'air, partir en chemise. Il faut s'inventer des ennemis pour faire un grand voyage.
  Bien sûr il va falloir entendre le réel, les ceux qui pensent à ton avenir, les ceux qui te barrent la route et te disent que tu n'as pas ta place ici-bas, que ce n'est pas la peine de passer au casting, qu'il y a déjà du monde qui attend.  Et des plus jeunes, des plus dynamiques, qui maîtrisent Photoshop et travaillent sur des Mac. Ils ont des smartphones modernes plus intelligents qu'eux, qui leur permettent de ne pas retenir trop de choses, des sourires faciles, de beaux vêtements, ils savent ce qui se passe dans le monde et peuvent appeler des gens sans même appuyer sur une seule touche quand toi tu tournais le cadran d'un téléphone avec un crayon, crrrrrrr, qui sonnait si fort dans la grande maison où maman dort à l'étage. Il faut se concentrer, il faut se ramasser sur soi, et comme ton ami Le Tigre, Garcin Attorney Duralieu, fils du terrible inventeur du dentifrice au sucre qui fit tant de mal aux nations blanches du Nord, tu vas courir pour échapper à la horde, tu vas disparaître dans les catacombes, trébucher sur des os et des crânes qui s'effritent et crissent, perdre ton chemin jusqu'à être sûr que même ici, personne, pas même toi, ne pourra te retrouver. Puis tu avances dans la pièce inattendue, avec une stèle gravée d'une écriture qui n'existe plus aujourd'hui, dont tu te dis qu'il faut pousser la dalle placée devant pour regarder dessous, à l'intérieur, pour être sûr de passer une nuit tranquille, froide, mais tranquille. Tu avises une barre de fer, placée là, peut-être à ton intention, ou du moins à celle de ceux qui, avant toi aussi, ont tenté de faire levier. Et après avoir ahané comme un bossu sonneur de cloches, comme tu t'en doutais, laissant tomber la barre dans un écho de blang qui résonne dans les souterrains que tu viens de traverser en sprint, tu trouves une surprise. Ici pas de momie rongée par des rats, de corps poussiéreux ou de cercueil vrillé, seulement des marches, qui s'enfoncent plus bas, encore plus bas. Tu sors une torche de ton sac en toile cirée, tu craques une allumette de voyageur, de celles qui fonctionnent même sous la pluie, et tu fais brûler ton flambeau pour descendre lentement vers la destination qui t'attendait depuis longtemps. Derrière toi quand, au premier tournant, tu commences à quitter pour de bon le monde d'où tu viens, tu n'es pas étonné d'entendre la dalle se remettre lentement, en glissant, à sa place, dans un frottement silencieux de pierre. Il faut avancer.

vendredi 9 mars 2018

61.Comme un ouragan.

  Je me nourris aux boites à livres, in(ter)vention divine, dans laquelle on trouve de tout et même n'importe quoi, vu qu'elles se multiplient. Et pas que des livres. Des K7 vidéos aussi, plein, et des encyclopédies balkaniques en 12 volumes qui, elles, ne rentrent pas dans le magnétoscope, mais que j'aime à tracter en brouette jusqu'à l'atelier Demi-Cachalot où tout déborde avant qu'en des coins obscurs et honnis je tasse, en prévision de provision d'une invasion de mulots.
  La muse me taquine, et l'ordre approche. Tremblez. Autour de moi les piles s'amassent, et je glane dans les images des inspirations anciennes et nouvelles, je trie, je tricote, je tripote et fricote, Bibi, avec entrain. Mon cerveau fait un bruit de disquette avariée (il faut avoir connu la disquette pour comprendre) et j'entends siffler le train trois fois et plus, gavé de gaufres et de sucreries supposées apaiser l'angoisse de ces moments fébriles de gestation allongée. Allongée dans le sens qui dure, n'allez pas m'aliter avant que je n'm'écroule.
  Ainsi j'ai en tête les choses à réaliser dans l'ordre, avec pour phare une émission marionnettes et acteurs, ou acteurs et acteurs, sortant du livre, sortant du livre d'images, sortant de l'expo, sortant pour aller faire un tour à bicyclette bleue. Si c'est le bordel, c'est que c'est bien. Les techniciens feront le reste. Car l'équipe imaginaire est là, la maîtrise de l'anglais allemand espagnol chinois yosémite aussi. Ce qui permet de se faire comprendre par presque tous les dictateurs. Mais le Yosémite est un parc. Alors ne me faîtes pas dire n'importe quoi.
  J'ai revu trois fois Monstres Academy, en anglais c'est University, et deux fois Hôtel Transylvanie, qui peut tout de même provoquer des palpitations épileptiques. J'ai revu Willow cinq fois, remangé les muppets dans leurs multiples aventures et The Storyteller qui suit, j'ai avalé littéralement les 65 et plus ou moins dessins-animés de Tex Avery, patrimoine mondial de l'humanité, Dieu blesse l'Amérique, et je suis au milieu de Fraggle Rock version française en K7, trouvée dans une boite, donc.
  Je lis la fin des aventures de Harry, et l'autobiographie d'une courgette. Je me sens aléatoirement concentré, même au random.
  Comprenez-moi, au fond, je suis très jeune, si je n'ai pas eu la facilité relationnelle comme atout (voir pour cela l'excellente vidéo 27 que de nombreux fans inspirés ont prévu de brûler avec moi en dessus) et si, comme tout un chacun chacune toutes et tous, je m'allonge (cette fois pour de bon et pas chez un psy) en maudissant les 24 heures qui nous tiennent lieu de temporalité fragmentée, je perpétue ma croyance imbécile d'être profondément obsédé par l'envie de fabriquer des dialogues et des décors où l'on évolue sans gêne entre gens de bien, même si on est deux, je préférerais trois, quatre ne serait pas du luxe, douze me conviendrait bien. 
  Cela ne m'empêche pas de m'entourer de schémas et plannings, plans machiavéliques impossibles à tenir tant que je suis entouré de livres. Quiche au test quichottesque. Comme dans l'histoire sans fin, le 1, film pour les tout petits ça passe. Si seulement ils avaient pensé à m'appeler pour le scénario j'aurais fait en sorte que le petit guerrier de Fantasia (Pays Fantastique dans le livre) sauve le monstre qui veut le buter, en l'aidant à virer un rocher de sa couenne par exemple, au lieu de faire un combat final si attendu et qui ne dure même pas.
  Le livre est à découvrir dans le sens de l'alphabet, vous comprendrez quand vous l'aurez entre les mains. L'auteur au passage s'appelle Ende (Michael) il est allemand. Son livre, en allemand, se lit "Die Unendliche Geschichte" L'histoire sans Ende quoi. C'est monstrueusement fortiche. Car c'est un livre qui se fait par celui qui le lit. Et donc par moi, toi, tous les autres. Or, si l'auteur en est absent, c'est double cadeau (avec ou sans x ?).
  Le livre sur lequel je t'en parle un peu mais pas trop en détail, c'est un truc dans le genre, plus tu avances, plus tu piges rien et les personnages non plus, avec tout de même beaucoup d'indices et une fantaisie qui aide à vivre, enfin moi déjà, et plus tu comprends que le jeu en vaut la chandelle de l'hôtel de Bourgogne, plus ton nez s'allonge. 
  Il y a du théâtre, il y a des chansons, et si j'arrive à rester vivant assez longtemps, je te montrerais que la mise au réel de cet imaginaire va ouvrir la brèche qu'il faut. Mais faut vraiment que j'arrête avec ce désir d'être abandonné par Dieu au dernier moment.
  Atelier clown lundi, je vois une amie de longue date qui sait me tirer les vers d'une plume jeudi, je suis super content. Et toi aussi ?

vendredi 2 mars 2018

60.Parcours chanté.

  Ma mère, qui n'a pas dit que des conneries, elle en a également beaucoup fait, m'a un jour dit que si ça se trouve, je donnais de la joie avec mes bêtises, à des gens dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Non c'est pas ça. Que je donnais de la joie à des gens dont desquels je ne me doutais pas que je leur donnais de la joie. Attends. S'il arrivait à ma mère d'être un peu confuse, moi aussi.
  J'ai mis des années à comprendre l'avantage d'être éduqué par des gens qui ne sont pas allés au bout de leur logique. Mon père voulait un spartiate, ma mère un pédé. Ils ne se sont pas mis d'accord et ça a donné un artiste. Depuis je rame dans mon salon.
  La mécanique du rameur d'appartement fonctionne quand il y a un but à atteindre, j'essaye de viser l'arbre en face dans le jardin des voisins où il y a du soleil. Parfois j'y crois, et c'est souvent au bout d'un quart d'heure à ne pas avancer que je reprends l'exercice avec tranquillité en pensant à toutes les calories qu'il va me falloir engloutir pour récupérer les vingt grammes que j'ai dû griller dans l'effort.
  Le sport est une joie intime.
  Je grattouille mes cordes en reprenant mes tubes pas connus, et pense au petit pont de bois de Georges Bataille, le héros grec qui a dû faire 12 travaux dans son mini-golf avant de pouvoir rejoindre la gargotte à Penne (prononcer péné) où les pâtes sont si douces et fraîches sous le soleil de Mexico.
  Je me demande ce qu'ils on mis dans mon café à l'auto-école. Car, il faut s'armer de patience et de sagesse et attendre le moment opportun, quand un con klaxonne derrière.
  Que c'est loin l'Olympia le soir au fond des bois. Je vous souhaite un bon Noël.

jeudi 1 mars 2018

59.Méprises multiples.

  Je suis vieux jeu. J'aime les règles à l'ancienne. J'ai sans doute trop vu de films, où les héros sont fidèles à leurs amitiés de jeunesse et de moins jeunesse. Camps scouts, résistance, Lino Ventura. Avec des extra-terrestres, des battes de base-ball et un mug Bob l'éponge fumant dans le calme du soir couchant sur la plaine du Wyoming, juste avant l'arrivée d'une douzaine de voitures de flics, hurlantes, mains-en-l'air, personne ne bouge, et toi là-bas tu baisses tout ce suite ce fusil d’assaut à balles à proton qui transforme les gens en magma où je ne te redonnerais jamais ton CPC 6128, qu'on bouclera dans une champignonnière de Charentes-Maritime. Club informatique avant la messe. Musique.
  À la même heure dans quinze ans. Si l'on se retrouve on saura où se trouver. Si l'on se fait confiance, on s'aidera, quoiqu'il advienne, en se souvenant de cette soirée où l'on a cramé le tueur en série déguisé en cochon dans un bûcher de marshmallows. Générique. Nous comprendrons les coups durs et nous saurons nous soutenir face à l'adversité de l'université, face à nos divorces d'avec le Capital, notre fuite de la secte du temple insulaire de Guyane. Face à cette coucherie collective dans un endroit incongru qu'on évoque à demi-mot pour dire qu'on a vécu, même s'il faisait noir et qu'on est plus très sûr d'avoir été là. 
  Un proche qui gadouille, un souci de finance, un passage à vide, téléphonez au 0800... et notre grille-pain multi-fonctions vous comblera d'aise et de bonheur pratique. Notre maison sera ta maison, notre radiateur sera ton radiateur, notre désintégrateur de peaux mortes sera aussi à ton service, et à celui de votre famille. Nous chercherons, à l'américaine catholique, à venir en aide aux démunis qui n'en ont pas envie, et nous pousserons l'âme immortelle après 2000 points d'expérience pas mieux, vers la lumière du vide sur ce deltaplane offert par les sirops Woumdahoum, les sirops qui dispersent votre toux en un seul boumbadaboum.
  Je ne sais pas pourquoi j'ai refusé de vous acheter des bonbons au miel, mademoiselle, pour aider votre petit cirque imaginaire, en plus j'aime bien les petits cirques. S'ils sont en roulotte et tirés par une femme c'est encore mieux. Lavis sauvage, c'est le nom de mon ombre. Naufragé du À majuscule avec accent parisien, Alt 183.
  Des matinées mal réveillées, des questions qui rôdent comme les petits anges et diables d'un dessin-animé de Tex Avery. Épaule gauche, épaule droite. Qui l'emportera ? Si tu te laisses happer par ton intérieur, ménage famille pâterie, tu ne reviens pas à la vie imaginaire. Car rien ne vaut la vie, rien ne vaut la vie...
  Méfies-toi de l'ubris, de ta colère incontrôlée, incontrôlable, comme tes impôts, qui fera de toi un être voué à l'Enfer sur terre. Cette soif de pouvoir, de gloire et de gants en peau de chamois, alors que tu aimais tant ces matins calmes remplis de crêpes à la confiture de citrouille. 
  Ce geste las, cet épuisement, ce froid piquant, cette boule de neige qui ne dure pas sur le pelage de Grisouille, qui revient vers toi en te demandant ce que tu fous à rire comme un Bossuet, et d'où est venu cette étrange chose froide qu'on évacue d'un ébrouement prompt comme nous autres humains avons oublié. Ce petit pain chaud et ce chocolat au lait de soja avec une tarte à la banane qui a goût de frangipane je ne sais pas pourquoi, ce morceau de pâte, coincée entre ta trente-troisième dent surnuméraire et ta molaire au fond à droite en sortant de l’ascenseur. 
  Je retrouve plaisir à faire l'imbécile, à rêver de projets scéniques ou filmés, sans oublier la règle que je me suis donné il y deux ans environ, réussis quelque chose de fort avant, et reviens en leur souriant. Avatar de compét' tombant sur le grand oiseau dentu pour frimer devant ta tribu.
  Je vois trop grand, j'ai toujours une culpabilité de faux juif errant assez dentaire. Mordre la vie, manger des nouilles. Je suis vieux jeu. 

mardi 6 février 2018

58.Les rapides du Guatemala.

  Bien sûr il existe plusieurs méthodes pour entrer dans la chute en canoë, et à n'importe quel âge. La pratique du ça va marcher et l'isolement des distractions hyperliens, le concentré sucré, la mise en place du ici maintenant sans caméra furtive. C'est un mot qui commence peut-être en abs, mais je ne suis pas sûr.
  Ou alors c'est abs-cension (de l'Everest), abstention ? ABS ? Absominalse. Non, ça n'est pas ça, même si ça monte et freine en même temps, ça ne peut pas se définir, c'est personnel comme un tampon encreur changeant au gré des humeurs et des tarifs. C'est un paradigme, une vision du monde clairement définie sur laquelle je me béquille, la base lunaire de mes émois, où je me pose pour développer une singulière manière de faire qui sera bien si tu fais gaffe à ce que tu manges. Uchronie crânienne, mais pas crâneuse (please).
  Mes objectifs semblent plus clairs au fil de l'eau. Finaliser une première BD désirée, en fait il y en a deux, mais je vais commencer par la 1, grâce à mes amis les Toyottes, ces rats nucléaires de l'auteur des Tuniques Bleues me revigorent vraiment. Mais le concombre masqué aussi. Tu connais pas le concombre masqué ? Nikita Mandryka fut un des fondateurs de Fluide-Glacial, sais-tu ?
  Faire les vidéos de la semaine en changeant plus souvent de pull, finaliser expo(s) et livre(s) d'aventures. Les connexions d'art beau reçu sont des petites poilades sans nickel, dont on retire bénéfice sans avoir à charmer les sirènes du pouvoir voir.
  Le déroulé du parchemin, les phrases qui surgissent sans prévenir, l'attente du numéro 60 dans ma liste de messages de blog. Pour passer à autre chose, redevenir honnête, transformer cette envolée en méthode de trouvaille amusante et accessible, par la petite rampe d'accès réservée à cet usage. Que les Dieux me gardent de l'ambition d'être quelqu'un !
  Abscon, c'est pas une sorte de raton-laveur ?

samedi 3 février 2018

57.Reproduction assistée.

  J'ai toujours été nul en gestion. En gestion d'émotions, ou de timing, ou de quotidien. J'ai tenté de multiples stratégies pour m'abonner à des habitudes, à des repères posés, à des contacts fiables, mais c'est peine perdue. Et vu qu'elle est perdue, ça ne m'attriste plus. Je fais à 16h00 ce que je faisais à 10, et à 18h00 ce que j'ébauchais à 8. Nous sommes nombreux chaque veille de mes lendemains à se demander si le jour qui suit sera meilleur que celui qui n'est plus.
  Pour l'argent ça va mieux. Il m'arrive encore de ne pas savoir me réfréner face à une plaque de chocolat fabriquée en montagne russe, mais moins.
  Une femme va me demander de penser à la bouteille d'eau pour la promenade, ou des pneus arrières neufs pour éviter l'aquaplanage, et souvent je mélange un peu. Même si au bout d'une heure je me rends compte qu'un pneu en rando, c'est un peu lourd.
  La plaque noire glisse et nous transforme en petit Père-Noël moulé, souriant et enrobé de papier brillant, coloré de rouge, de bleu et de hotte, avec les cadeaux, dans une supérette résistante d'un village abandonné par sa jeunesse, partie à la ville fabriquer des cerfs-volants.
  En gestion de vaisselle, j'assure assez. La cuisine est pour moi un cycle répété de vingt minutes. Vingt minutes pour une belle vaisselle, vingt minutes pour un petit plat (préparation, pas cuisson), vingt minutes pour nettoyer le frigo. Une heure comportant trois fois vingt minutes, cela me permet de gagner chaque fois une bataille dans la course contre la montre. Et ne pas manquer mon bus.
  Tout autour de ces idées volatiles, chansons surgissantes, images futures ou poésies enlevées, je dois recentrer ma tâche de ne pas disparaître dans le néant sans avoir passé la serpillière sur les gouttes.
  Le programme de mes à suivre emploie mon temps à être ailleurs.

lundi 29 janvier 2018

56.Sous les pas de la nuit.

  Et si je réussissais à faire un plan, pour une fois. Un petit 1, petit 2. Je mettrais mes émotions dans une boite à biscuits. Le lundi je ferais le message ici, le mardi je mettrais une image de quelqu'un qui dort, où d'un rêve là-bas. Le mercredi je ferais une pause avec les chevaux et je mangerais un peu de foin. Le jeudi marché. Le vendredi je regarderais les lettres du passé en pleurant sur mes madeleines, et le samedi je ferais la vidéo avant le bus de 19h15.
  Entre temps, j'irais au code, et je ferais les leçons de conduite avec le gros, ou le sec, ou le bavard, ou le bourrin. Mais je préférerais le gros. Même s'il me dirait sûrement qu'il n'est qu'un peu enveloppé. Et je m'excuserais d'avoir dit le gros, parce que c'est un peu clivant, mais les fishs and ships à la mayonnaise, quand même. Et après il me dit de tourner à gauche et je retiens ma respiration. Les surgelés de la mer du Nord se digèrent mal en janvier.
  La douceur s'installerait entre les chapitres du récit, qui finirait lui aussi par grossir en vague. Et toutes les images, bloquées depuis des mois derrière la porte de la forteresse, auraient fabriqué un joli blaireau de bois géant, rempli bien rempli de kits "clefs-en-main" pour fabriquer en un temps record, et sans aide extérieure, votre métier à tisser maison (avec son modèle de paysage sous la neige inspiré de Brueghel l'ancien, intégré).
  L'ennemi sans chercher à comprendre la ruse, prendrait le cadeau avec joie, heureux de terminer cette guerre dont on avait oublié le motif, et l'on ferait semblant de partir sur la mer là-bas, au loin, où l'on peut fumer des clopes en mâchant du chewing-gum, et même que personne n'a d'aérophagie. Juste avant de revenir à minuit pour faire signer le bon de livraison et laisser la facture en souvenir.
  Tout à l'heure un chat marchait sur le faux plafond. Il cherchait la sortie, ou il visitait, je ne sais pas. Je ne sais surtout pas par où il a bien pu rentrer. Un instant j'ai pensé à un rat, mais un rat est furtif, et là, même si ça ne miaulait pas, ça marchait comme un chat. J'ai appelé, j'ai bien vu qu'il cherchait des trous où passer et que ça l'inquiétait un peu la voix d'un humain là-dessous. Manquerait plus que ce soit une chatte venue poser bas. J'aurais l'air malin avec des minous aveugles furetant dans les fils électriques. Il (ou elle) a retrouvé la sortie qui n'était autre que l'entrée par où il (ou elle). Le silence est revenu.
  En anglais pour les animaux on dit it, si on les connait pas, c'est un genre en général, c'est plus simple.

vendredi 19 janvier 2018

55.Le retour du héros.

  Donc. Les personnages sont en place. La scène, le lieu c'est ma ville connue, celle où j'habite, qui se serait transformée en quelque chose d'un peu gothique et fin du monde, mais pas trop visible parce que la politique des beaux quartiers sauve la façade.
  Quelques renfoncements par-ci par-ci. Un blink, une main gelée tendue derrière une porte qui se referme aussi sec. Un sourire esquissé sur une statue, ou qui louche. Pierre qui louche, c'est louche.
  Autour de moi les carnets remplis, tant, trop, je les relis pas, je les connais par cure. Pas tant de pistes que ça, à force. Le chemin s'est trouvé tout seul. Et j'ai mon final, mon twist. De cette histoire et de la série. 
  Alors. J'ai expérimenté le pas à pas longtemps, et l'immersion est impossible. Je veux dire. Par là. Que. Pour l'instant. Mais.
  Y'a pas de mais. L'immersion nécessite, en moi, une distraction concentrée et des discussions à bâtons rompus sur n'importe quoi, l'amour de l'impossible et la projection vers l’inaccessible. Plein de cibles. Pour te dire. J'ai fait un catalogue de pratiques. Les vidéos, les trucs courts comme là. Les images sur Tumbulur, que ça fait longtemps que j'en ai pas mis, mise, mis, les images sur le déroulé du site.
  Et puis la vie. Ce qui se passe. J'ai mis du temps. Et c'est heureux. Car. Car. Je souhaiterais plus souvent partager une douceur de vivre avec les ceux qui m'acculent. Et leur dire à quel point le ciel est doux quand on s'y prête. Quand on s'y prête une attention soutenue, mais distraite. D'où la distraction concentrée. Sérieux et pas sérieux. Surtout pas adulte et responsable. Surtout pas. Responsable c'est sable. Mouvant. Quelle drôle d'envie. Expliquer ça, peine perdue.
  Je voudrais te voir et prendre un thé, ou des nouilles, manger un muffin fourré aux groseilles et pester qu'il n'y ait pas de cure-dents. J'ai chaud dans mon pull rouge. Papa veut une date pour le code (Quand ? Quand ? Oui mais quand ?). Aurélia veut une date pour la suite. Je suis le seul à me moquer des dates et à ne pas savoir leur donner de réponses concrètes. À l'école je ne savais pas leur expliquer que s'ils me donnaient un timing, je ne pourrais pas le respecter, et que si il n'y en avait pas, je le respecterais sûrement. Les écoles classiques d'éducation classique. On me disait que j'étais un fumiste.
  Les plus beaux spécimens de fumistes sont exposés au musée grève 1. Darling chérie.

jeudi 11 janvier 2018

54.Miel, gauffres et divertissement.

  Nicole a pas liké mes trois dernières vidéos. C'est assez dramatique (elle aime beaucoup la scène). Quand on a une référence mondiale du like comme contact et qu'on espère se repromener au Louvre avec, on ne peut que douter du bien fondé de la qualité de ses propos contrastés qui cherchent à faire aussi bien, ou mieux ou que sais-je encore. C'est de mes propres propos que je cause. Nicole est la mairesse officieuse de Paris. En parler est difficile, premièrement parce que je suis bien élevé (et aussi parce qu'on se connait peu) et ensuite parce que je ne voudrais pas me mettre en porte-à-faux avec la mafia de Giverny. Monet soit qui mal y pense est leur devise Suisse.
  Dyslexique temporel est une définition qui m'honore. Cela signifie que je joue au yoyo avec mes armes. C'est dangereux comme un bilboquet à pointes relié à un élastique. Conscient véritable d'être une star de crémerie de village de moins de 5000 habitants (on m'appelait mister Bean aux Beaux-Arts, c'est vous dire l'ironie) avec un 45 tours qui prends la poussière entre les décorations clignotantes de Noël pas encore retirées, parce que ça fait mal au cœur de quitter l'an passé et nos si belles engueulades du 25 entre la poire et le fromage, avec un oncle nazi et une cousine pro-life, à 42 ans passés, ayant quitté le milieu du foot depuis au moins 15 ans et habile à masquer mes lacunes sous un nez rougi par le froid, je doute. 
  Je doute du bien fondé et de l'utilité de mes pitreries passagères incompréhensibles en deux minutes chrono, sauf les chansons parce sinon ça tient pas. Alors, pour pallier à l'essentiel, je dois vous confesser que je me suis procuré un rameur. 
  Cela pourrait sonner comme un hommage aux migrants, mais point, égoïstement j'ai le désir de gagner des pectoraux pour frimer à la plage. À dire vrai, peut-être ai-je aussi dans l'idée de faire du rock'n'roll et de me produire torse nu comme dans les tableaux du douanier Rousseau, mais ce n'est pas certain. C'est un concours de circonstances où le hasard fait bien les choses, ou n'existe pas, pour les plus hardis. 
  Sur le site internet de Rizi-Bizi, alors que j'y matais les horaires d'ouverture (un lieu de broc troc pour les gens modestes qui ne sont pas encore pauvres, où pour les riches radins, ça dépend) il y avait un rameur vintage à 20 euros, et j'ai dit que c'était pour moi. Même si je ne sais pas ramer. Même si ma compagnonne croit que je vais baisser les bras au bout d'une semaine de nage sur place de ma cour de campagne où la mousse verte apparaît par endroits mais de limaces point, notre crapaud s'en charge. Et puis j'ai justifié mon achat par le fait que c'est moins cher qu'un abonnement à une salle de sport. C'est sûr on fait moins de rencontres, mais en même temps je suis déjà sur Facebook, alors bon.
  Se faire traiter de maigrichon au bidou qui sort par sa femme depuis des mois, doit peser dans la balance. La balance ton porc bien sûr. Bien qu'omnivore pratiquant, je ne mange plus beaucoup de chinoiseries, et encore moins de bovidés. Ma moitié de baleine fixant mal le fer (elle est tourneuse-fraiseuse dans un grand groupe indien), et comme nous partageons tout, je n'ai pas encore réussi à l'évangéliser au tout Tofu. Le timing est en marche.
  C'est dans le divertissement créatif et pictural que je me pousse l'âme dans la fente prévue à cet effet. L'actualité est pleine de rebondissements qui comme tout un chacun et toute une chacune de toutes celles et toutes ceux, quel qu'ait été votre choix, et j'en passe et des pas mûres. C'est long de savoir quoi dire, encore plus de savoir qui fréquenter.
  Ce matin j'ai mangé des gaufres de supermarché. C'était un régal et la honte m'a pris car j'étais seul à dévorer mon festin, tel un monstre fleur de Sauron sorti tout droit de Stranger Things (la série télénet qui fait peur mais pas trop). Les festins sans partage sont un peu des goûters sans chocolat chaux fumant dans une mine perdue d'Agatha. 
  Je vais aller marcher sur les quais pour retrouver l'inspiration et acheter mon marché bio des légumes. Même si je pense que la fin du monde est pour ce soir et que l’Angleterre est loin quand on a une petite barque. La douceur intrinsèque du vent dans les saules me pousse à la mélancolie des frimas, et aussi au désir fugace mais mo-tivé mo-tivé, à finaliser la somme de ces lignes de conte que je peaufine encore et encore et encore et encore. Jusqu'à achèvement de mes ressources.
  Donc 54, 25, 42, 15, 20 et le numéro complémentaire d'assurance santé et le : 4444. Parce que ça sonne un peu mitraillette. Beijo à ton gros Madère.

mardi 9 janvier 2018

53.Surnuméraire.

  Et puis, je suis en surnombre dans mon corps. D'ailleurs je me suis réveillé sur un ours. C'était la fin du rêve. Je n'ai pas entendu Aurélia se lever. Profondément endormi. 
  Je lis : Gagner la guerre, de Jaworski. Il y a beaucoup de noms pseudo italiens et je suis un peu paumé, mais en lisant on s'habitue. Le héros est en fâcheuse posture. Je me suis couché à quelle heure ? Une heure ? Une heure trente. Je pousse jusqu'à ce que mes yeux n'en puissent. Et ce matin en levant le matelas (je lève mon matelas) j'ai renversé la lampe halogène. Ampoule pétée. Je fais toujours des conneries quand je suis mal réveillé. 7h22. Le moment où elle part, presque. Là il est 10h00, je vais au code. Je l'ai loupé une fois déjà. Trente euros à la poste, merci mon cul. Même pas le prix d'une petite peinture papier. Dans le bus ce matin les gosses étaient à fond. J'ai écouté Tears for Fears. Le début de Woman in chains, après c'est relou au premier faux arrêt du morceau, trop de synthé. Mais le début est bien. Lyrique et tout. J'aimerais bien chanter dans un opéra australien.
  Il y avait un marché, qui ressemblait à un marché que je connais, mais c'est toujours un mélange. Grisouille est venu se coucher au pied du lit. Au début elle voulait jouer à pied-souris mais j'ai fait : ça suffit ! à voix basse. Alors elle a un peu agité la queue, et puis elle s'est mise en boule. Hier en fait, le gros chat s'est réveillé parce qu'Aurélia s'était réveillée. Mais j'avais pas entendu. Le gros chat bouge quand on bouge, c'est un peu logique. Ils se réveillent alors je vais pouvoir me réveiller. 
  Il y avait un marché, et je posais par terre, entre deux étals, le vieux dictionnaire Larousse des années 20, celui qui est tout abîmé, la couverture est dans un carton je sais où. Je devais le rendre à Emma. Aucune idée de pourquoi. Et je descendais pieds nus dans une sorte de garage brocante. Je trouvais un carnet intéressant sur les maisons cousues. Et ça m'a donné une idée de série pour des petites formats. Le livre ressemblait à un de mes livres, il était en bac. Le vendeur garagiste avec une sale tête d'escroc d'Hollywood en demandait 1000 pièces. Je disais que 20 c'était bien assez. Il reniflait de mépris et vaquait. J'ai continué mon exploration du lieu, le sol était plein de boue gadouilleuse et j'avais peur de rencontrer du verre ou des trucs qui coupent. Puis je suis monté sur un tracteur à la selle en fer percée avec des gros trous pour laisser passer l'air, et je me suis retourné vers une grande fille noire élégante qui cherchait aussi des ingrédients pour son vaisseau. J'ai tourné la tête dans l'autre direction vers le tas de chiffon informe au bout, qui donnait sur une grande porte ouverte invitant la lumière chaude du dehors.
  Puis l'ours à remué. Il semblait mal en point. Gris et maigre. Je me suis dit qu'il fallait le libérer. Et j'ai vu le réveil. 7h22. Je vais choisir ma salle de sport tout à l'heure, et je vais dessiner à partir des personnages de mon dernier carnet. J'aimerais bien acheter une maison avant la fin du monde.