mardi 25 juillet 2017

51.Tardigradi.

  Heureuse aventure que celle de parler en face. Depuis que je penche pour le cheminement doux, j'emploie de nombreuses opportunités à travailler de concert à mes bottes. Que je n'ai pas aux pieds, n'allez pas croire que je me Santaïse en fouettant des cerfs. Ce court instant de vie multiple m'a apporté la paix. Vivement la suite. Je vous chouette de bonnes vacances et plein de CDD's, remboursables à vie. T'imagines s'ils découvrent le gène régénérescent à double coaxial inversé ? On pourra profiter des points sur les paquets de céréales aussi longtemps qu'on veut, et nos mugs en forme de fesses orneront les étagères géantes de nos palaces italiens aquatiques.

50.Le gueux inversé.

  Pour survivre dans ce monde de dingues où les pulsions de mort sont si vives qu'on en a mal aux pieds, je vous enseigne la technique du lâcher-prise qui consiste à respirer trois fois le dos droit, l'esprit regardant le vide interstellaire, jouant au solitaire règle Vegas sur Windows 7, comme font tous les génies de la lampe Ikéa.
  Il ne faut pas confondre lâcher-prise et laisser aller. Ou lâcher-prise et lécher prise. Le résultat n'est pas le même, comme nous l'avons déjà étudié dans la conférence numéro 28 portant sur la conduction des fluides dans la Grèce endettée devant les forces de police qui elles-mêmes préfèrent l'amour en mer, c'est seulement une question de tempo. La douceur caractéristique de l'absolue nécessité se calcule en dépit du bon sens sur des bases potentielles à valeur économique stable.
  Marcher en ville au milieu de juillet pour acheter du lait de riz, sentir le vent de la révolte matée par le dépit auto-censuriel exercé à l’intérieur des mendiants classiques. Jeunes, violents contre eux-mêmes, avec beaucoup de zigzags. La zone n'a pas de vacances, on se baigne aux fontaines et les touristes s'étonnent de se faire renverser par des cyclistes fous aux sacs-à-dos carrés remplis de victuailles bon marché à livrer en bas des immeubles. On pourrait rassembler les forces et créer un parti punk, mais il faudrait nourrir et faire boire pour que tout le monde signe et s'engage dans les tranchées.
  La fille m'avait dit, tu verras, c'est sympa, on fait un repas prix libre, là je file pour donner un coup de main, passe ! J'y suis allé, je me suis heurté à un silence poli d'un groupe peu amène, et j'ai repensé à d'autres situations similaires dans des milieux huppés où l'on ne mélange pas les genres. Timide, je n'ai pas demandé. C'est l'erreur classique du migrant affamé. Un gros ventilateur (l'envers d'un lieu de stockage réfrigérant) relâchait bruyamment du chaud à côté de la porte d'entrée du restau punk, je suis entré à moitié. Il n'y avait personne dedans à qui demander un plat (de quoi, je ne sais pas) sinon un orgue Bontempi éteint qui attendait Ray Charles. Le groupe était en face, sur deux hautes marches de goudron noir luisant, autour de plusieurs tables alignées. La rue du repas à prix libre était sale et sentait le poisson et la pisse alternativement, par petites rafales moites. Les jeunes clients aux cheveux inventifs s'étaient attablés sous une halle en béton (un parking) mangeant sans regarder derrière eux. La fille en question devant laquelle je suis resté debout à mon arrivée, sans vraiment m'imposer, juste parce que je ne connaissais qu'elle, m'a superbement ignoré. Qu'elle n'ait pas pu me voir me semble improbable. Je suis grand. Ou alors c'est que vraiment ma tenue de caméléon était parfaite. Casquette Itélé, short à carreaux blancs et gris, chaussettes montantes avec des singes jaunes chantant joyeux anniversaire. Comme ça on pourrait penser que ça jure un peu, mais je vous assure que c'était sobre. Moi aussi d'ailleurs
  Cent mètres plus loin, d'autres jeunes, encore moins bien lotis, gueulaient sous leurs couettes. Ils avaient posés leurs matelas devant le commissariat de quartier. Il y avait deux caddies plein de chiots qui jappaient sous l'air électrique. Cela m'a ramené des années en arrière, quand déjà je n'arrivais aucunement à m'intégrer à des groupes de gens buvant, fumant, se droguant. Ma mère ayant tout expérimenté, j'étais vacciné d'avance. Je voulais monter des histoires anglaises d'animaux qui parlent, et ils n'en avaient rien à foutre.
  Donnez-moi quelques amis que je puisse aller en pique-nique avec le baron Sandwich dans les plaines du Sussex. Amen.

vendredi 21 juillet 2017

49.Le pro.

  Le processus de création se manifeste dans une diagonale sinusoïdale. Il y a les références multiples que j'ai sous les yeux, les livres, et les souvenirs que j'ai en tête. Mon éducation et l'absence totale d'originalité de mes parents, le manque affectif qui est le trou dans lequel les trésors se puisent et que rien ne remplace. Il y a le désir de faire bien, de bien faire, de faire autrement, de faire pareil, de faire différent, de ne rien faire, de passer à autre chose, de déménager, de sentir le vent, de rester au chaud et même de manger un truc. Je ne peux pas tout dire, il y a des enfants de moins de trente ans qui peuvent lire ces lignes. L'aventure interurbaine. Passez-moi le standard et faîtes-moi un fax ou un pneumatique, on va y arriver.
  Le processus de création est sans symbolique, je suis profondément dément et en freinage permanent, c'est un soin de la peau, un shampoing pour cheveux gras, une coupe de champagne sans bulle avec un goût grenadine. Je le sens venir c'est tout. D'aucuns diront que je ne fais que défendre un process de process, un mec qui ne parle que de ses projets et défend le fait de produire des projets plutôt que les faire. J'ai toujours détesté les artistes sans œuvre(s). Pas viscéralement, rien de personnel. La détestation est après tout passagère et ça peut faire un livre ou deux. On vit avec, on laisse passer. Arthur n'a jamais trouvé le Graal, c'est Perceval qui a raflé la mise, sloubi un, sloubi deux, mes références sont télévisées et quotidiennes. Je veux dire dans mon quotidien des gens que je croise et regarde, car la vie rime à quoi, c'est ce que je ne cherche pas. Nous avons tous une raison d’espérer ou de défendre sa couenne, quel est le but ultime ? Il n'y en a pas, je n'en vois qu'un. Juste être là, c'est déjà si difficile. Le mouvement pourrait se faire mousse,  nous ne sommes pas encore prêts à lâcher nos occupations, apprécier le silence, et saisir que quand ça se passe bien, chaque fois que ça se passe bien, c'est qu'on a rien fait pour.
  Ils connurent les famines et inventèrent les camions. Ils connurent la peste et inventèrent les chats. Je ne peux pas m'empêcher de répondre à côté et en même temps dedans. Il n'y a toujours eu que la scène, et je rêve et tends vers ces moments particuliers où tu ne parles à personne en particulier et chasse les moustiques dans les douves de la citadelle de Blaye.

jeudi 20 juillet 2017

48.Dix ça suffit.

  J'ai tout autant intérêt, avant la fin du monde, ou du moins du mien, à continuer ma mission d'amuseur pudique, section arts plastiques, option nettoyage de mâchicoulis par versement de thé à la menthe fraîche de mon jardin sur des gâteaux au sarrasin, afin de gagner ma monnaie pour le bus dans une attitude pragmatique et délétère de casseur social à l'objectif affiché : transformer le monde en une place agréable, avec plein de bancs en rond, où le vent dans les saules apporte à l'esprit une musique apaisante aidant à vivre les instants comme dans un tableau de Boudin. Eugène Boudin, pas Lampion, suivons (je n'ai pas mis "suivez" car l'injonction me donne du zona).
  La vie ces derniers mois fut comme à l'accoutumée pleine d'heureux bondissements, surtout au niveau du ventre, et ce ne sont pas mes petits bras qui empêcheront l'âge de faire son temps au milieu des loukoums (excusez-moi, je vous écris d'un bar à chicha, tout à côté d'une grosse chenille qui me bassine depuis une heure pour que je goûte son champignon. Mais je ne suis pas flou, j'ai bien vu que c'était un lactaire délicieux, et je préfère de très loin le lactaire sanguin, n'allez pas me faire prendre des vessies de porc gonflées à l'hélium pour des barigoules de carnaval, non mais) où j'en étais ? 
  Ah oui. Je voulais dire, on avance dans le temps et on mûrit, bien que l'image ne me satisfasse guère, je vois plus ça comme un rajeunissement inversé (du moment où l'on lâche-prise sur la marche du monde). La poire fait son beurre et c'est l'heure de ma leçon de conduite. Vite je paye le guichetier, le serveur, enfin pas le serveur vu que je me suis servi tout seul, je ne vais pas me payer la bête pour ma consommation. 
  Je dois vous expliquer : ce bar à thé socialiste où l'on fume des choses aux odeurs capiteuses, est tenu par un irlandais, et dans son pays de barbares (si l'Irlande était civilisée, elle serait unie, voyons) dont les frontières, comme chacun sait, commencent à l'orée de sa porte d'entrée, il est de tradition de prendre sa commande au bar. Cela évite aux serveuses  de se faire masser le fessier avant la plage, et permet une franche rigolade lorsque, à la troisième tournée de thé, l'on commence à parler avec les Leprechauns accrochés aux poutres. Cela permet aussi d'économiser sur les serveuses. Ou alors je me laisse pousser la barbe blonde, les tresses et le navire ?
  Mais je ne souhaitais pis aller en tous sens comme à mon accoutumée, vous entretenir du sujet qui nous anime tous, à savoir, comment monter une compagnie. L'élagage synaptique cher à mon cœur continue sa mission, je fréquente mon cerveau dans la tradition samouraï, vidant la masse de souvenirs confus à coups de lames sur du papier pour ne pas oublier de mentir. Flaubert est un con. Il s'agit de chapitrer ses erreurs pour en faire une belle réussite, et toute personne se reconnaissant sera priée de croire que la ressemblance est fort truite, elle glisse entre les doigts. Et lorsque les étoiles rougiront sur le changement du loto dans mes yeux mouillés d'émotion face aux caméras, d'une autre main discrète, j'engagerais des vigiles pour récupérer les dingues dont j'aime à voir chez eux le talent qu'ils gaspillent vu qu'ils bossent pour leur pomme (un post fruitier à n'en point douter). Producteur d'oies, tel est mon plan. Le couteau n'est pas loin.
  Rien n'est moins sûr que les plans de fabricant boutiquier perso, les usines à gaz emploient moults vents. Je mets un s si je veux.  Surtout lorsque magnifiant sans cesse les quidams dans leur désir d'aller vers le mieux, on les retrouve à voter pour un jeune homme aux idées thatchériennes. Le progrès vers leur mieux est la loi des puissants, ils n'ont jamais gardé de chèvres. Je ne vous le répéterais jamais assez, le succès est dans l'organisation du quotidien, la guérilla gentille notre lot imbécile. Cathares, cathares et demi. Cachalot. Salauds de papistes. Bien s'étirer, manger à heures fixes. Avoir des insomnies et rester chez soi pendant deux ans à compter ses collections de doryphores, aide aussi. Je suis heureux de planifier mes doutes, la beauté commence dans une graine de tournesol.

mardi 25 avril 2017

47.L'amour du riche.


  Je me souviens de Jonathan et Jennifer, les justiciers milliardaires. J'étais jeune quand passait cette série télé (à l'époque je regardais la télé) enfin plus jeune qu'aujourd'hui. Un gamin. Je ne pensai pas que je finirais artiste, alors. Que le temps est fugace et les profits teroles. Bien. C'était une série télévisée qui passait sur Arte, enfin sur La Cinq, ou sur France deux, ou FR3, ou Antenne 2. Je ne me souviens plus, tout cela est si loin et mon cœur lalala. Internet existait mais personne n'était au courant. 
  Donc, c'est deux milliardaires avec un majordome alcoolique à gros nez qui vient toujours les sauver dans les situations désespérées (ils gagnent toujours à la fin, comme les chevaliers au grand cœur, mais je digresse) et il a plein de fusils à pompe et de pièges-à-loups dans son coffre de la jaguar. Ils s'aiment et se le disent, souvent dans la baignoire, et ils se font des bisous dans le noir (beaucoup de rimes en oir ce soir). L'ambiance est un peu entre un suspense à trois francs (on ne sait jamais, je replace cette monnaie ici au cas où) et un catalogue des laques de cheveux pour gens qui dans toutes les situations ont la raie au bon endroit. 
  Les gazs CFC n'étaient pas encore interdits, la couche d'Ozone n'existait pas et les abeilles ne mourraient pas par centaines de milliers sous les coups d'un Glyphosate aussi social-traître qu'un des patrons du cac40. C'était le bon temps, et je mangeais du Nutella sans penser aux Orangs-outans de Sumatra ou de Bornéo et à la déforestation forcée pour produire de l'huile de palme. Les Hart vivaient dans le manoir Hart, enfin je vous dis ça de mémoire parce que je ne me souviens plus très bien. Ils étaient les rois de toute la belle société, ça c'est sûr, c'était dans le générique. On peut pas dire que c'était des candidats anti-système, quoi. Et avec le temps qui passe, je me suis demandé si les Hart étaient vraiment des justiciers. Parce que s'ils étaient milliardaires, d'où venait l'argent ? Il y avait bien la Hart entreprise, mais qu'est-ce qu'on y faisait là dedans ? Et pour devenir si riches que ça, avaient-ils délocalisés hors des frontières, de l'Europe à l'Oural, par exemple ? Et puis les méchants combattus, n'étaient-ils pas au fond des prolétaires nécessiteux qui désiraient seulement retrouver un peu de cette dignité perdue qui fait si mal dans les bassins houillers abandonnés ohé ohé ? Et Jonathan Hart avait la même calvitie naissante que moi sur le front de gauche. Quelle idée aussi de vouloir se laisser pousser les cheveux à 42 ans même si je fais moins quand mes cheveux sont propres et ma barbe à papa rasée. Sauf que ce n'est pas une calvitie, c'est juste que mes racines sont hautes, c'était déjà comme ça il y dix ans, je suis prêt à le jurer devant un tribunal pour hérétiques, contre, je sais plus. 
  Jennifer, quand à elle faisait dans la presse, genre reportages super intéressants sur les grandes fortunes qui font des bêtises. Au canard enchaîné américain, quoi. Avec mes hautes racines, je me flattais d'être de haut lignage et puis j'ai compris qu'on se moquait de moi, de ma maigreur et de mes grands bras, de ma façon de tourner la tête rapidement quand on m'adressait la parole et de la façon aussi dont je rangeais mes poneys arc-en-ciels sur mon étagère rose. Plus tard j'ai compris que les Hart étaient jaloux de mon talent, car je les avais humiliés plus souvent qu'à mon tour aux fléchettes, dans ce pub irlandais dont le nom m'échappe, cette fameuse nuit où les morts-vivants firent tant de raffut après la finale de la coupe du monde de hockey sur ramée, gagnée, si je me rappelle bien, par les Fraiseurs Cireurs de Ipswich. Grande équipe. 
  Avec le temps, j'ai compris que les gens fortunés étaient mes amis, car il faut savoir raison garder et tendre la main au tout venant quand on ne sait plus comment payer ses dépenses faramineuses pour entretenir la paix entre les peuples de ma rue, dont je devine l'absolue tentation pour le chaos révolté des pavés dans la mare. On fait des amalgames pas possibles entre les classes qui s'affrontent, alors que dans la vraie vie, c'est toujours l'argent qui gagne à la fin. Mais les crapauds se font rares en ces temps de misère.