lundi 16 avril 2018

65.968.

  Organiser ma tête en compartiments non fumeurs de brainstroming coworkés, c'est ce que je fais depuis des mois pour arriver brillamment au résultat du jour qui vient, le bonheur de retrouver intact son absence de confiance magistrale pour en faire une alliée en haut du toboggan géant de Poissonland. 
  Et si personne n'est derrière moi pour hurler vas-yyyyy, vas-yyyyy, ouaaiiiiiiis, champion du moooonde, je m'auto-motive tout de même à glisser mollement de ci de là, en tentant avec élégance d'éviter les écueils bretons. Et non pas les écureuils parisiens. C'est pas la même chose.
  Un écureuil c'est petit, souvent roux, et pourtant jamais ostracisé par ses congénères, et relativement mignon, et parfois même dans la poche d'un groom. Enfin mignon tant qu'on ne lui pique pas de noisettes. Car les dents de l'écureuil sont aussi dangereuses que celle du requin. Ainsi, le dicton ne dit-il pas : Requin au guichet, écureuil est ton banquier. 
  J'ai toujours un slogan plié en quatre dans la poche avant de ma veste de luxe, bien cintrée comme un agent secret, surtout pour mes soirées chez l'ambassadeur à l'huile de palme. D'ailleurs, La banque d'un monde qui meurt, est mon favori.
  Mais je baguenaude dans tes pâturages, et au prix de l'intervention, je me dis qu'on aurait pu éviter à quelques vieux de filer trente balles par mois à l'État en échange de petits pots de beurre de noisettes. Après j'ai pas tous les chiffres.
  Des BD(s), des histoires, des chansons, du dessin. Rien que du naturel. J'ai fouillé dans mes caisses, grandes trouvailles, et il ne manque plus qu'à s'y mettre. L'exercice est de taille, car il me reste peu de temps avant que ces sympathiques visiteurs de l'outrespace m’emmènent avec eux dans leur cargo colonisateur-zoo camouflé en joli village nuage pour une galaxie lointaine très lointaine. Le deal est clair, si je ne finis pas mon récit avant le, je sais pas je dois regarder le calendrier mais vu qu'on est le 7 sur 60 ça fait gnnnnn, à peu prêt, alors je serais dans le rouge et bon pour un aller Terre-Bételgeuse sans frais. Ça a toujours plus de classe qu'un Bordeaux-Ajaccio, et à défaut de bronzer dans le maquis, je verrais plusieurs soleils. Ils veulent étudier le spécimen et apprendre à leur peuple les codes narratifs de mes narutos. J'ai été choisi (choozen) il paraîtrait. Je ne sais pas si j'aurais le temps de manifester.
  Dans la création, tout vient de loin, il faut avoir vécu et passer son cerveau au rayon transformateur anti-puces pour assumer ses choix. Je chasse mon spleen sans vin, je redouble et retriple ma classe américaine, qui si elle est modeste (car les vêtements se collectent souvent au dessus des nids de quoi, non juste des poubelles, depuis que je sais que tout vient du Mexique, je préfère la chine) n'en est pas moins sincère, et belle, et bleue.
  Je me suis scindé en multiples depuis trop d'années nouvelles pour lâcher l'affaire et cracher le morceau, ils verront, ils verront, ils verront de quel bois je me vêts. La chauffe on repassera quand la bergerie sera remontée.

  Ce matin en allant à Super You pour acheter des céréales au chocolat bio spéciales du Mexique aussi, ah tiens, j'ai croisé deux sacs de couchage sur le rebord du trottoir. Quelques cinq minutes plus tard à la caisse derrière moi, la punquette d'un des sacs, qui sentait le fromage de bique, est venue chercher une bière grand format pour son petit-déjeuner des champions, avec quarante trois pièces de cinq centimes, désolé j'ai un peu de monnaie. 
  Parmi l'équipe de winners, il y a celui-qui vient à l'auto-école en salle de code et qui s'endort toujours après la dixième question et qui fait peur aux petites, même s'il ne mordrait pas un chat roumain. Un des moniteurs m'a dit qu'on le ferait souffler dans le ballon s'il prend des leçons de conduite. Je reste en colère. 
  Si les riverains et commerçants de tous poils de loups-garous ne pétitionnaient pas contre chaque initiative de maison de quartier pour paumés, si les douches publiques n'avaient pas fermé, en serait-on encore là ? Initiatives et start-up en vagues notions. Je sais que mes énervements se mélangent, que des choses sont mises en place, mais pourquoi ces fossés. Aujourd'hui. Mis à part des irréductibles fous, qui aime à dormir dehors et se saouler maladivement pour oublier la zone ? Confiance en soi je vous dis. Société complexe à multiplexes sans couchages.
  2500 gendarmes à NDDL contre 250 poilus. 300 à 400 000 balles la journée en comptant véhicules, lacrymos et autres pétards mouillés. Mobilisation sur trois semaines minimum. Est-ce que le président qui a presque mon âge a t-il, petit, vu un des 968 épisodes de l'île aux enfants ? Si Casimir s'alliait avec les tortues Ninja pour libérer les grenouilles chantantes, arriverions-nous à dégoupiller un Love is All généralisé sans une nouvelle drogue à moustique pour disperser les beatniks ?
  Middle-class, ça fait chier...

jeudi 12 avril 2018

64.En en.

  Après, n'allez pas me taxer de racisme anti-vieux, tout le monde a ses problèmes, et puis la vieillesse, c'est dans la tête. Et dans les genoux aussi un peu. Et moi-même, j'espère un jour y arriver. Je ne mets pas tous mes crabes dans le même panier, n'allez pas me faire critiquer n'importe quoi par n'importe qui. J'ai même souvent des sursauts d'humanité qui me font croire que les gens qui nous gouvernent connaissent la réalité des gouvernés. Ces malades du travail ne comprennent pas qu'on puisse ne pas en faire une (en foutre serait plus poli). Not to do a bloody thing me dit-on dans l'oreillette. En faire une quoi, c'est ce que je me demande.
  J'ai des vieux que j'aime et qui sentent bon. Je les mets dans des pots de fleurs et je les arrose deux fois par semaine, orientés sud-ouest.
  Même ma famille, dont je n'ai souvent parlé que généralement, en gros, critiquant des groupes vagues pour ne pas aller en procès, j'en cause en inventant, en en rajoutant une couche. Écrire est un travail de fiction. 
  Même en mettant le plus de ton talent et de ton temps sans revenus, tu n'arriveras pas à montrer ce qui est du réel de l'instant. C'est de l'écrit, car tous, nous voyons les événements, chaque événement, d'un autre œil, d'un œil différent quoi, chacun sa façon. Même si, on est influencé, par tout ce que l'on lit, par les journalistes, par les manières de dire pour qu'on se comprenne, et c'est pas simple de s'en tirer son épingle du jeu. 
  Penser pas pareil n'est pas le pas pareil qu'on veut nous faire croire, sans virer complotiste. Je me comprends, mais pas toujours et c'est une méga chance. Dinosaure prend un P comme dans chamois.
  C'est que, comme tout créateur inspiré qui se respecte ça dépend des jours, je fabrique avec ma bile enfouie et mon inconscient au galop. J'ai eu la chance de transformer ces tréfonds en gredinerie sympathique, car j'ai bien compris que je n'étais pas taillé pour la colère, et que je ne connais pas encore assez de prises de Jiu-Jitsu avec hache à deux mains pour te mettre ta branlée sans y perdre une dent.
  Je suis nul en actualité.
  Nul et renul. Je ne saisis pas le moindre broc de ce qu'on me propose, car je recoupe bizarrement les choses. Mon esprit est un zèbre acculé par un guépard, une idée vient, hop, a'pu l'idée. Pa'ti. Et remplacée par une plus bizarre. Parfois. Je me demande comment marche cette frustration magique. C'est comme sur Facebook, tu fais gentiment défiler les affreuses nouvelles des affreux humains et pis soudain, tu as une image/concert/news d'un sujet sympa heureux que tu te dis qu'il est pour toi, tu veux cliquer et hop, ça disparaît. Tu scrolles mais c'est pu là. Soit c'est le diable, soit c'est technique. Et je ne crois pas au diable. 
  J'ai espoir de devenir badass et de recouvrer le pouvoir du crâne ancestral. Même si ça m'avait toujours intrigué cette histoire de crâne, si ça se trouve c'est Skeletor le crâne ancestral, et Musclor est même pas au courant. Les méchants sont vilains, et ils se demandent parfois pourquoi ils perdent toujours à la fin, caraufond'eux, le désir de partager la franche camaraderie et les joies simples des gentils qui sauvent le monde, point (de poindre).
  Si les gens ne réagissaient plus à l'actualité, peut-être on s’intéresserait à soi et à la sauvegarde des zones humides, des oiseaux, des rivières, et de tous les espaces de glande et de promenade encore disponibles. Méditer sans médire. C'est moins marrant. La joie d'avoir des ennemis est importante, et puis quand on me klaxonne dessus parce que je baille aux corneilles, j'envisage souvent d'avoir une épée (cette fois) à deux mains (aussi) pour fendre le capot du 4x4 incongru. Hybride ta mère.
  Plus de manifs, plus de contestations, nous serions esclaves des taxes toujours plus fortes, des règles toujours plus strictes, des interdits toujours plus fous, et l'on respirerait mal en riant sous cape, car contrairement à ceux qui nous tueraient à petit feu et bousilleraient l'environnement au nom du libre échange et des lobbys qui vendent des produits maudits, nous serions conscient et heureux. Prêts pour adhérer à l'église de quelque chose en suicide de masse. Et à la fin tout le monde se relève et on va goûter dans le salon.

mercredi 11 avril 2018

63.Le recul des côtes.

  J'ai toujours préféré être sur scène. Sur scène, pendant le spectacle, on peut être debout, on peut se déplacer. La situation de spectateur m'a toujours semblé inconfortable. On est mal assis, spécialement quand on a des grandes jambes, et on doit respirer le même air que ceux qui nous entourent. Ai-je fait de mauvaises choses dans mes vies passées pour trop souvent me retrouver à côté de vieux en train de mourir ou de digérer des rognons de veau à l'ail arrosé de vin transgénique après une mauvaise nuit de sommeil et une digestion qui se terminera, définitivement, dans deux jours ?
  Je suis un mauvais spectateur. Je l'ai sûrement déjà dit quelque part là-dessous, l'école me défonçait littéralement les neurones, rester assis à écouter benoitement, sans participation possible, dans des classes de 35 minimum, je m'ennuyais fabuleusement, et j'y suis pourtant resté jusqu'à mes 19 ans, étude sociologique avant l'heure. L'éducation catholique, l'absence d'initiative, la difficulté de prendre en main les choses, éduqué à avoir peur de la nouveauté, le respect des conventions. Tout ça pour rater son bac deux fois parce que la philo était coef 5 et que j'avais pas lu Kant, Seigneur. Je dis pas mal Seigneur, avec majuscule, oui, ces derniers temps. Je ne suis pourtant pas croyant. Je vieillis, mais je ne mange toujours pas de rognons de veau. 
  Toute ma vie souffre d'un avantage olfactif trop développé qui aurait pu me faire devenir grand œnologue, si seulement je n'avais pas eu une sainte (encore l'éducation) horreur des pesticides dans mes cheveux, mais mes cousins de Paris n'ont pas donné de nouvelles depuis la dune du Pyla. 
  C'était un repas de Pâques sur le bassin, long, gris, poliment ennuyeux, j'étais encore trentenaire, je faisais des efforts, et la voiture qui devait les amener vers la dune ne pouvait contenir que cinq personnes, et mon oncle (propriétaire et usager dudit véhicule) avait bien dit que, non non, on ne peut pas t'assoir dans le coffre, à ton âge (c'était un utilitaire avec coffre donnant sur paysage) tu comprends Jean-Martial, c'est interdit, et tu n'es pas un chien, des gendarmes peuvent surgir de n'importe où, à n'importe quel moment, et je ne peux pas me permettre de. 
  C'est vrai, c'est louable, ça se défend, c'était raisonnable, il fallait accepter et comprendre. Une place en trop, c'est pas rigolo.
  Alors mes cousins, en m'ignorant joyeusement, sont allés à la dune du Pyla, et moi je suis resté avec les vieux à attendre mon bus pour rentrer tout seul à Bordeaux. Et je me suis rappelé de plein de moments d'infantilisation similaires. Et j'ai compris qu'après un concert des Rois de la plage, il ne faut jamais jamais jamais aller dans sa famille manger. Parce que la famille c'est le contraire d'un public qui t'aime, ce sont des putains de règles tissées bien avant toi qui te rappellent que Danemark est une prison, et que pour dénouer ces liens là, il faudrait qu'on fume de la beuh et qu'on rigole un bon coup, réunis, avec des têtes d'animaux. Les âges s'oublieraient, la fraternité reviendrait, et on reprendrait de la glace à la vanille avec le gâteau au citron sans réfléchir à savoir s'il faut en laisser pour quelqu'un.
  Plus tard, alors que je passais chez mes cousins de Paris (sans mes cousins de Paris) pour saluer je sais plus qui qui allait mourir, j'ai vu, accroché au mur de la table de travail de mon oncle, les photos de tous mes cousins en train de faire les fous sur la dune, en cette fameuse journée où j'aurais pu moi aussi apparaître sur les photos et où ils sont partis quand même. Et le démon mange social tord mes boyaux et une lueur verte passe dans mes yeux. Je me vengerais.
  Je n'irais pas jusqu'à les pendre par les pieds (la corde se consumerait lentement, brûlée par une implacable bougie) au dessus d'une fosse à scorpions, avec écrit au sol, souviens-toi de la dune du Pyla, j'ai la vengeance modeste. Je vais juste réussir et être très connu et très riche et quand ils auront de nouveau envie de me voir et de partager ma célébrité parisienne, je leur enverrais une carte postale de la dune pour m'excuser de ne pas pouvoir les voir, avec une petite poche de sable et un porte clef avec une voiture utilitaire.

  Aujourd'hui, j'ai vu l'île au chiens de Wes Anderson, qui me donne toujours du courage et c'est important. À côté de moi, il y avait un vieux. D'instinct je me suis dit, ne te mets pas à côté, ce vieux semble sur le point de se liquéfier Et puis j'ai voulu passer outre mes aprioris, il y a des vieux qui font gaffe à ce qu'ils mangent. Ma gentillesse sociale compassionnelle de boy-scout transgénérationnel me perdra. L'éducation, toujours. On arrête pas un chewing-gum qui marche.
  Le vieux a ronflé plusieurs fois dans des moments d'apnée de deux à trois secondes, et à chaque exhalaison, j'avais envie de lui mettre un cocktail molotov dans la bouche et d'allumer la mèche, puis de le pousser sur un truc à roulette face à des CRS (pardon, des gendarmes) venus piétiner des salades et botter le cul des ânes. On ne fait jamais assez attention à ce qu'on mange et à son hygiène dentaire. 
  J'ai passé le film mon foulard sur le nez, comme ça parlait de l'île poubelle on peut dire que j'étais dans l'ambiance. 
  Le livre avance, la vidéo 32 approche, mon permis j'ai un peu lâché, mais j'y retourne. Avec une voiture j'aurais pu y aller à la dune du Pyla, j'en aurais pas fait tout un post.