mercredi 3 avril 2019

72.Bulletin de chanté.

  J'ai composé trois semaines avec la toux qui s'en est allée au vent mauvais deci delà tout ça, et j'enchaîne le rhume qui suit, contracté dans le froid d'une lecture assoiffée (Fahrenheit 451, brûlé d'une traite) sur le chemin sans fin du dimanche après-midi (la piste aux cyclades du sérial-punaiseur fou, ancienne voie de train supprimée pour des raisons voitures) assis nonchalamment dans une pose mélancolique, menton relevé, ressemblant à s'y méprendre à un chanteur américain de garage-rock, sur un petit pont sous lequel j'ai posé une crotte de troll toute moulée toute jolie, gloire aux céréales, à l'abri des vélos voyeurs, avec mon polo pas chaud, un coup dans l'ombre, un coup au soleil, fuyant le foyer conjugal, espérant que bientôt un Louvre bis se construise pas trop loin pour y faire le guide, traduisant les silences des toiles par des onomatopées grossières qui choqueraient les chinoises électroniciennes venues ici pour prendre un peu de bon temps avant la prochaine mission d'espionnage pour savoir ce qu'il y a dans le parachute doré d'un ancien patron constructeur de pas grand chose mais qui savait serrer, à défaut de boulons, des mains bien huilées.
  Le rhume c'est une montée de drogue sans drogue, les yeux qui piquent, l'estampe qui bourdonne, un seul œil qui coule, celui qui voit moins bien, celui avec le carreau qui grossit et qui fait gogol et qui sert à rien vu que de toutes façons je peux pas lire avec. Gogol c'est un auteur russe.
  J'aime ces moments où, dépassé par ces vides de poulet sans tête, je me mets au chaud en attendant la fuite. Le cerveau se (décom)pose. Depuis la nouvelle année en collant, depuis les deux intoxications à mille lanternes avec montées de bile et boules, depuis le chamanisme pour les nuls et les prises de becs avec les pourvoyeurs de grilles devant l'atelier, depuis l'écoute en différé et podcasts des interviews oligarchiques des sauveurs de la République contre le méchant épouvantail fasciste qui sait très bien qu'il gagne plus de blé en restant dans l'opposition, depuis les ampoules aux pieds quand je marche à fond jusqu'à Bordeaux alors que j'avais pas vraiment prévu les bonnes chaussures, depuis tout ça et j'en oublie, je constate que la colère ne me sied pas. C'est fatiguant la colère, et puis on tombe balade.
  Lorsque je n'ai pas d'arguments pour expliquer la glandouille sans nom génératrice d'idées et de motivation légendaire, j'ai juste envie d'hériter plus tôt et de partir en Irlande ou en Charentes libre, vivre dans un puits avec des Kobolds en fumant du varech qui rend les yeux verts fluo et on rigole parce qu'on voit les moustiques dans la nuit. Mais ce n'est pas d'actualité, il me faut réussir pour devenir plus riche que tout le monde, pour prouver que je n'ai pas besoin d'art, gens. La société moderne veut des démiurges et des individuels. Je suis un nanti pauvre.
  Chercher dans les salles de direction d'un immeuble administratif abandonné de l'ancienne Berlin-Ouest, à Kreuzberg certainement, avec une fenêtre donnant sur la salle de bain d'une jeune fille habillée en bleu de travail qui m'envoie des messages codés pour supporter la rigueur de sa vie en usine grise et froide et moche et fliquée comme dans les clips des années 80, messages auxquels je réponds en dessinant des cœurs géants avec des arbres volants et des taupes mignonnes dont elle pourra s'inspirer plus tard pour créer un dessin-animé soviétique en Tchéquicardie après la chute du mur sur la gueule d'un soldat  anonyme qui vient de tirer sur un renard sans papiers.
  Je  guéris lentement, ça me lasse. Je veux mon puits. Je veux un nouveau nez qui ne coule pas. Je veux passer en vidéo à angle double et commencer enfin mes chroniques du ça va marcher. C'est l'histoire d'un écrivain de pièces de théâtre qui est devenu chanteur qui est devenu peintre, qui est devenu dessinateur de presse, qui est devenu écrivain alors qu'il voulait juste écrire des pièces. Et les monter peut-être.
  Où est mon échelle de ramoneur social que je passe le hérisson dans le conduit pour que cette suie qui me suit se dépoussière enfin ? 
  Un moine zen te dirait qu'il n'y a pas de suie, pas de hérisson et pas de conduit, il n'y a qu'un gros monsieur en rouge coincé au niveau du bidou qui demande gentiment si quelqu'un n'aurait pas une corde et un peu de savon de Marseille pour faire glisser, à la limite.
  D'ailleurs le savon se fabrique avec des cendres aussi, tu savais ?

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