vendredi 12 avril 2019

76.Des bretelles au clafoutis.

  Adoncques, tandis que la nuit se déroule telle un compresseur sur les insomnies heureuses des vagabonds du sommeil, j'apprends dans mon oreillette que la fin du monde est pour ce soir, et je me mets à penser au hérisson de mon enfance, qui sonnait sonnait vêpres en large en long. 
  J'étais Sylvestre en 45 tours du mange-disque orange, et la vie jouait avec la lumière qui m'intéressait déjà grandement, lorsqu'elle apparaissait et lorsqu'elle n'était plus là, d'où l'importance des veilleuses.
  J'ai avec les veilleuses une longue histoire, avoir un peu de lumière m'aidait grandement à faire fuir les démons aux yeux bavants, et tous ces spectres hyperboréens (j'avais promis à un pote de placer hyperboréen dans une chronique, c'est chose faite et je gagne deux euros) car glacés au point de me faire suer de peur. J'ai retrouvé dans les monstrueux détraqueurs de JK Rowling et son petit Potter, une similitude avec ce que j'éprouvais alors. Car même si vous n'y croyez pas, je m'en souviens encore, et les peluches n'étaient jamais assez nombreuses pour protéger la frontière entre mes cauchemars si puissants et moi.
  Puis j'ai un peu grandi, mais mentalement je continuais à croire au père Noël et aux fantômes. Comme ils grandissaient aussi, ils prenaient des formes plus sociables, moins difformes, ressemblants à des individus louches de mon quotidien, du genre adultes, faisant tout pour empêcher mon esprit vagabond de donner libre cours à son imaginaire sans barrières très fixes entre les strates et les désirs de la joie des bananes chantantes.
  Le clip stylé de Michael le méchant tripoteur d'enfant zombie, fut le film de trop, je me réfugiais dans une guitare pour rester au chaud derrière les barreaux de cordes.
  Puis il y eut les Rita-Mitsouko et Marcia Baïla. Je dansais comme un dingue, ça devait être un sacré spectacle, car je m'en foutais. Au camping du Broustic, ou un truc vert comme ça. Aussi dans les boums sous les yeux des coincés, et encore avec la première amoureuse et ses collègues, brûlants leurs cours de terminale dans un feu de joie mérité d'après bac. Autodafé exutoire d'une longue nuit de château.
  Je suis venu en Aquitaine, j'aimais toujours m'habiller comme un pérave, mais pas vraiment clair punk, j'avais pas de style précis, ça pouvait passer pour ringard ou encore mal fringué, ou il est maigre en salopette à rayures trop courte avec son poncho patchwork pas chaud qui fait qu'il s'enrhume même en août sur les quais de Lacanau, alors qu'on chante à tue-tête en pensant qu'on est des stars devant le café où les gens nous regardent en souriant et on se rend compte seulement après qu'ils n'ont rien entendu vu que la musique du bar était super forte en terrasse.
  Je me souviens de cette fête de comédiens dans une grande salle du centre social  pour je sais plus quelle édition d'un festival sans argent pour les plasticiens (mais on a des rouleurs gratos de crépon pour faire des roses et des mobiles). J'ondulais comme un débile mais bien, en rythme, avec les bras en forme de fusée, et je tentais vainement d'intégrer un groupe de danse de gens connus un peu, où eux se balançaient mous et tranquilles, souriant entre eux genre on assure on se connait ou a joué on est bien, juste ce qu'il faut pour être excentrique et branché, et je me souviens de ce cercle fluctuant où chaque fois que je tentais de rentrer, ça se défaisait, m'excluait, se reformait organiquement sur le rythme des toum toum, et me laissait un peu plus seul à chaque fois. Je me souviens que je me suis arrêté pour tenter de comprendre pourquoi ils ne voulaient pas de moi où si c'était encore un coup de ma méchante parano, et j'essayais d'une autre façon, et puis d'une autre encore, d'intégrer le regard du groupe, ou la joie de se trémousser face à une leadeuse en balancement, et invariablement, je me retrouvais toujours, toujours, relégué à la périphérie. Je n'étais pas membre du staff, un peu un inconnu, trop grand déjà, trop maigre toujours. Et j'ai observé. J'avais l'impression de commencer une étude de sociologie. et je vis que oui, plusieurs autres personnes tentant de s'intégrer au conglomérat désiré étaient invariablement, mais subtilement, exclus.
  De ce jour, j'ai cessé de danser comme un dératé en public, je me réserve pour quand je serais à Wembley (Londres ou Australie, j'hésite) en train de reprendre le Youki de Gotainer en flamand, avec Gorillaz, avec le petit pantalon moulant blanc de Queen et les claudettes. Va pas falloir trop traîner après ça fera trop tard.

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